Une éducation catholique
Catherine Cusset

Gallimard
blanche
août 2014
144 p.  15,90 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Entre virtuosité et facilité

« A chaque phrase, il y a mort d’homme », a écrit Bernard Franck à propos de la stylistique des romanciers « hussards » comme Blondin ou Laurent, qui, dans les années cinquante, tentèrent de reprendre le haut du pavé à Sartre, Malraux, Camus et compagnie. Un demi-siècle plus tard, ce jugement à l’emporte-pièce semble coller comme un gant de velours à Catherine Cusset. Dans « Une Education catholique », la romancière parisienne (qui vit aujourd’hui à New York) se signale par l’efficacité de son style, comme si elle était une héritière des Hussards genre Roger Nimier. En deux mots, trois mouvements, l’écrivaine survole son destin avec une virtuosité d’écriture qui donne le vertige et qui aurait peut-être émerveillé Paul Morand.

Avec son personnage récurrent de Marie, qu’elle reprend ici, Catherine Cusset est passée depuis ses débuts, souvent avec bonheur, de l’autofiction au roman traditionnel. Cette fois, elle semble hésiter dans son va-et-vient. Veut-elle peindre le poids du catholicisme sur la France de l’après-guerre et dans les milieux bourgeois de l’après-Vichy ou au contraire déplorer la lente disparition d’un univers réglé comme une horloge suisse et l’émergence d’une société qui semble se « musulmaniser » ? Rien de tout cela. Si Monsieur le curé entre en scène au début du livre, il s’efface rapidement. En fait, c’est son éducation sentimentale (amoureuse et sexuelle) que Catherine Cusset veut dévoiler à ses lecteurs. Du coup, elle détaille ses rapports ambigus avec sa sœur et ses copines d’étude, ses premiers amours avec Samuel et l’Américain Al. En somme elle confesse les tourments d’une petite fille guère rangée et guère atteinte par la marche du monde, les affres d’une pré-femme privilégiée de la bourgeoisie, les courtes vues d’une sorte d’exilée de l’existence. On se laisse prendre, grâce à une écriture tantôt tranchante comme un couperet, tantôt alanguie comme une déesse de sofa. Plus ou moins saisi par une légèreté qui dissimule d’inquiétantes profondeurs et explique peut-être ce que la France est en train de vivre. Même si on reste sur sa faim. La vie en effet est nettement plus complexe que ce que vit et raconte Marie..

partagez cette critique
partage par email