o n  l  a  v u
  Studio 60 on The Sunset Strip  
« Le monde selon Aaron Sorkin »

Offrir son cerveau sur un plateau à la télévision n’est pas forcément dangereux. Surtout quand la télé décide de se livrer son autocritique. À un réquisitoire au vitriol, même. Alors, non seulement, cela devient salvateur mais hautement réjouissant. C’est le cas avec « Studio 60 on The Sunset Strip » un trésor méconnu pourtant signé par l’une des stars de l’écriture sérielle. Le scénariste Aaron Sorkin. Une plume prolifique sur tous les terrains dramaturgiques. Du théâtre qui l’a révélé et qui fait encore son succès – son adaptation du légendaire « To Kill au Mockingbird » s’est jouée à guichets fermés à Broadway au printemps. Au cinéma avec « The Social Network» qui lui a valu un oscar. Et surtout à la télévision où il a signé une série politique adulée par ses disciples « The West Wing ».

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Des propositions éclectiques toutes caractérisées par une obsession et un style uniques. Aaron Sorkin est un auteur bavard. Il croit au pouvoir des dialogues. Ils fusent. Et rappellent que l’intelligence est éminemment sexy. Aaron Sorkin est un auteur idéaliste. Il aime l’idée que le genre humain est névrosé pour le meilleur. Du coup, chez lui, on fait équipe. On se serre les coudes. On avance groupé. Ce n’est pas de la naïveté. Plutôt un acte politique. « Montre le monde comme il devrait l’être, si tu veux qu’un jour il le devienne ». Une méthode Coué appliquée au storytelling qui a pour terrain la société américaine.

« Studio 60 on The Sunset Strip » prend les choses en biais. L’idée développée est que la télé est le miroir de nos faiblesses. Mais aussi, idéalisme oblige, une porte d’entrée pour les contrer voire en faire des atouts. La série se déroule dans les coulisses d’une émission de télé satirique à la Saturday Night Live. Quintessence de la pop culture, elle délivre un cliché de l’état du pays tous les vendredis soir. L’humour corrosif servant de révélateur.

Change the channel ! Changez de chaîne ! hurle son animateur historique face caméra dès les premières minutes du pilote. Il délivre ensuite une liste de toutes les raisons pour lesquelles le petit écran est devenu un endroit obscène et dramatique pour la cohésion de la société. Une logorrhée hystérique qui rappelle le monologue de « Network ». Un hommage évident de Sorkin à Sydney Lumet. Mais également une entrée en matière qui annonce la couleur.

Le créateur a décidé de s’emparer d’un sujet faustien : l’art vs le business. La création vs l’argent. Le créateur vs le financier.

Évidemment Sorkin ne doute pas une seconde de l’identité de celui qui doit s’imposer. Pour faire triompher son point de vue, il va une nouvelle fois passer par l’intimité. Celle de deux amis. Matt Albie, un brillant scénariste et Danny Tripp, son comparse producteur. Victimes de leur intégrité, ex toxicos mais respectés pour leur immense talent, ils sont appelés à la rescousse pour reprendre les rênes du show.

Ils feront les choses à leur manière. C’est-à-dire dire à celle de Sorkin dont ils rappellent d’ailleurs la trajectoire artistique accidentée. Ils seront épaulés par la troupe de comiques vedettes de l’émission satirique. Étonnamment diffusée sur NBC, c’est-à-dire une chaîne commerciale, la série ne connaîtra hélas qu’une unique saison. Mais son annulation précoce permettra à Aaron Sorkin de se livrer à un exercice de style époustouflant dans les quatre derniers épisodes. On en sort réjouit, boosté à l’optimisme et un peu triste aussi. Difficile après cela de confier à nouveau son cerveau à la télé…

Studio 60 on The Sunset Strip. 24 épisodes. iTunes Store.

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