Frank Conroy
Gallimard
folio
avril 2004
688 p.  10,30 €
 
 
 
Peter Hobbs
Christian Bourgois Editeur
litt. etr.
mars 2013
137 p.  14 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 


illustration Brigitte Lannaud Levy

Les Kermarec, frère et sœur. Presque le début d’une légende bretonne. C’est  la folle aventure familiale de Charles et Marie Paul, tous deux libraires depuis 1976, qui ont eu la vision et l’ambition nécessaires pour transformer en 1998  un vaste espace d’exposition plein de courants d’air en un superbe vaisseau amiral du livre et de la culture . C’est ainsi que Dialogues s’est déployé dans un lieu réinventé, baigné de lumière où soufflent tous les vents de la curiosité, des rencontres et des échanges autour de la lecture. Brest, ville bombardée pendant la guerre n’a pas eu la chance d’une reconstruction heureuse comme pour le Havre avec Auguste Perret. Mais elle peut  avec la librairie Dialogues, s’enorgueillir d’être dotée d’une des plus vastes et belles librairies indépendantes de France. Elle a été la première à ouvrir un café en son sein, et elle y organise pléthore de rencontres pour les grands et les petits autour de la littérature, des arts, de la philo, de l’astronomie et des mathématiques… Lorsque Marie–Paul, âme littéraire de la librairie disparaît  en décembre 2007, la ville reconnaissante a rebaptisé le parvis où se situe la librairie de son nom. Un bel hommage pour cette femme aux mille talents dont ceux du cœur, qui n’hésitait pas à raccompagner elle-même en voiture les lecteurs qui s’attardaient comme elle dans ses rayons.  Son maître mot, vis-à-vis de ses 23 libraires: liberté. Celle de faire leurs propres choix d’ouvrages, d’imaginer des tables selon le goût de chacun avec l’idée merveilleuse de : « on se fait plaisir et on fait plaisir en retour ». Très important aussi l’esprit maison, « on  doit se sentir comme chez soi, on n’est pas dans un musée ». Ici on peut lire paisiblement dans les rayons sans se sentir obligé d’acheter. Si Charles Kermarec est toujours sur le pont, il a fait venir à ses côtés il y a trois ans Delphine Leborgne pour diriger la librairie et continuer l’aventure initiée avec sa sœur défunte. C’est Julien Laparade qui a fait ses classes auprès de Marie Paul, qui nous reçoit aujourd’hui pour nous faire part de ses coups de cœur et partager avec ferveur sa fierté de travailler depuis vingt ans dans une si belle librairie que lecteurs et auteurs viennent  visiter de très loin, « tout au bout de cette petite terre, que l’on nomme Finistère », pour passer un joli moment d’échanges autour des livres, des auteurs et de la vie. Une histoire de dialogue tout simplement.

Quel roman nous recommandez-vous ?
« Débarqué » de Jacques Josse (Éditions de la Contre-allée). Un sublime texte sur un père disparu. Une figure tutélaire parfois incomprise, un voyageur habité de rêves d’aventures, empêché par la maladie  à qui l’auteur rend un vibrant hommage. C’est sans logorrhée verbale, écrit au scalpel. Très beau.

Et du côté des auteurs étrangers ?
« Une forêt de laine et d’acier » de  Natsu Miyashita (Stock). Un jeune lycéen entend dans son établissement le son d’un piano et découvre un accordeur à l’œuvre. Une vocation née, il deviendra lui même accordeur de piano et découvrira  la magie d’un travail où l’on accorde l’instrument à l’image du joueur qui va s’en servir. Une écriture contemplative  où il se passe  pourtant plein de choses. Un roman comme un voyage hors du temps au Japon.

Y a-t-il un premier roman qui vous a marqué ?
«L’attente du soir» de Tatiana Arfel(Corti). Si je ne devais recommander qu’un livre pour votre interview, ce serait celui-là. L’histoire de trois destins. Celui d’un enfant sauvage, abandonné dans une décharge , d’une jeune fille grise et sans nom, transparente pour les siens et enfin d’un vieux clown blanc dresseur de caniche qui hérite d’un cirque itinérant. Ce roman est bouleversant et j’envie toute personne qui ne l’a pas déjà lu. Les gens l’achètent inlassablement pour l’offrir, car dans ce texte il y a tout sur ce que chacun peut porter et cacher de failles et comment trouver le chemin qui donne la force de continuer la route.

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« L’éloge des voyages insensés » de Vassili Golovanov (Verdier). Un ouvrage lui-même insensé. Je tourne autour, je veux profiter de l’été pour m’y plonger. Mais à chaque fois je suis rattrapé par le temps. Mon envie de le lire est pourtant entière.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie, que vous défendez avec ferveur ?
Il y en a deux.  «  Corps et âme » de Franck Conroy. (Folio) que Marie Paul Kermarec m’a fait découvrir. À New York dans les années 40,  l’histoire d’un jeune prodige du piano livré à lui même. On le suit de l’enfance à l’âge adulte et l’on assiste au déploiement de son don. C’est un livre que nous avons toujours à la librairie en poche, mais aussi en grand format.

Et le second, « Un verger au Pakistan » de Peter Hobbs (Christian Bourgois). Un roman de 170 pages, une vraie pépite. L’histoire d’un garçon de 17 ans dont le seul tort est d’aimer une jeune fille de l’élite alors qu’il est d’une caste pauvre. Il va être condamné pour une faute qu’il n’a pas commise par le père de la jeune femme qui est un puissant politicien. Il est libéré au bout de quinze ans et un poète va l’aider à  reconstruire sa vie avec des choses simples. C’est un livre thérapeutique qui délivre une philosophie étonnante, et essentielle.

Vous vous occupez outre la littérature, du rayon des beaux livres et des livres animés. Que pouvez-vous nous conseiller dans ce domaine ?
« Poemotion » de  Takahiro Kurashima ( Editions Lars Muller). Un livre d’un graphiste sans texte. Avec un rhodoïd que l’on déplace sur une forme géométrique, les motifs se mettent à danser comme pas magie. C’est tiré de la technique de l’ombro-cinéma, une technique ancienne d’animation . C’est un livre que l’on est heureux de partager, qui est spectaculaire.

« Paperblossom », un livre pop–up d’où des bouquets de fleurs jaillissent. On change de fleurs au fil des saisons. Il a reçu l’équivalent du Goncourt des po-ups aux U.S.A.

Une brève de librairie.
Comme je vous l’ai raconté, Marie Paul Kermarec avait pris l’habitude de déposer en voiture les clients chez eux quand il n’y avait plus de bus. Il lui arrivait même, après le trajet, de revenir finir ce qu’elle avait à faire à la librairie.  L’autre jour, un très jeune homme était un peu perdu dans les rayons et il était 19h30 passé. Sa mère ne pouvait venir le chercher, il habitait à 15 km de là, il semblait désorienté. J’ai du coup perpétué la tradition maison et l’esprit  de Marie Paul  en proposant de le raccompagner. Nous avons parlé littérature et qui sait un jour je le reverrai peut être à la librairie, mieux dans ses baskets. Le temps d’une lecture peut parfois faire oublier des soucis et apaiser les tourments. C’est important dans la construction de soi.

Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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Rue de Siam
Parvis Marie Paul Kermarec
292000 Brest
02 98 44 88 68

 

 

 
 
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