L'étang
Claire-Louise Bennett

traduit de l'anglais par Thierry Decottignies
L'Olivier
Littérature étrangère
janvier 2018
224 p.  19,50 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un cottage à soi

 

Rêverie, flux de conscience d’inspiration woolfienne teinté d’humour so british, « L’étang » est le journal d’une jeune femme excentrique. Avec sa poésie de l’infra-ordinaire, ce livre rappelle aussi le merveilleux « Elizabeth et son jardin allemand » d’Elizabeth von Arnim.

L’Anglaise et son jardin irlandais

On ne sait pas grand-chose de la narratrice qui, après avoir abandonné sa thèse de doctorat, a travaillé dans un atelier de réparation de bicyclettes et s’est installée à la campagne, dans un cottage irlandais. Cependant, hormis quelques velléités horticoles, elle n’a pas l’ambition de devenir fermière. Elle vaque à ses occupations quotidiennes, trouvant dans la routine une satisfaction de l’instant. On lui devine quelques amants de passage, peut-être un ami plus intime. Un jour, une université l’invite à donner une conférence sur l’amour dans la littérature, selon elle une « désintégration cruelle et divine de l’être », et auquel elle-même ne s’abandonne qu’en état d’ébriété avancé. Mais sa prestation est un échec ; elle revient à ses moutons, ou plutôt à ses vaches voisines. Elle sent bien que les autres se méfient d’elle, et d’une certaine manière, elle leur donne raison avec un sens aigu de l’autodérision.

Epanchements de la pensée

La narratrice aime à s’allonger sur l’herbe, écouter le bruit infime des insectes et le pépiement des oiseaux. Sa propension à la déambulation narrative témoigne d’une curiosité et d’une inventivité dilettantes. Tour à tour en extase devant d’anciennes tapisseries orientales ou fascinée par le bac à compost, notre héroïne s’émerveille de la linguistique corporelle à travers un échange de courriels obscènes puis, avec tout autant de sérieux, elle entretient son lecteur des boutons de réglage du four de sa cuisine. Entre une ode au concentré de tomate et le souvenir d’une lettre d’amour au fond d’un sac, on découvre une jeune femme fantasque et mélancolique, qui ne déteste rien tant que les panneaux d’information encombrant le paysage d’un trop-plein de signifiant. Remarquablement traduit, ce livre nous envoûte par l’observation et l’expérience d’un quotidien transfiguré par la seule mise en mots.

 

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