Les buveurs de lumière
Jenni Fagan

metailie
bb ecossaise
août 2017
 20 €
ebook avec DRM 5,99 €
 
 
 
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nuit blanche

cataclysme climatique

Dylan arrive avec sa valise contenant les cendres de sa mère et de sa grand’mère dans un pot de crème glacée et un tupperware, dans une bande de terre, entre la mer et les terres agricoles entourée par de vastes montagnes.
Des caravanes réparties de part et d’autre d’une allée, dont celle que sa mère lui a léguée. Disperser les cendres, vendre la caravane, une boite de conserve au milieu des montagnes, et partir dans un endroit chaud.

Constance,sa voisine, souffre de somnambulisme, la nuit elle passe l’aspirateur sur la route et avec un chiffon elle lustre la lune. Elle a eu deux amants en même temps et maintenant elle a une fille alors qu’avant elle avait un garçon. Stella une fille avec un sexe de garçon, elle regarde le soleil juste en dessous, elle boit la lumière et après elle rayonne comme un ange.

Un roman dans un cadre apocalyptique, un parc de caravanes où vivent un groupe hétéroclite de personnages en marge de la société, un géant tatoué, une adolescente transgenre,sa mère une survivaliste, un vieil astronome, une prostituée,un sataniste, un autre qui essaye de communiquer avec les extra terrestres. Des naufragés qui vont s’entraider pour survivre. Un livre sur l’intolérance, la haine de tout ce qui est différent. La force de ce récit est de situer ce cataclysme climatique à une période anxieusement proche de nous, 2020. le désastre naturel se mêle avec les drames de la vie ordinaire. Une écriture poétique voir lyrique à certains moments qui tranche avec la situation de fin du monde avec des descriptions des paysages gelés belles et réalistes. Un roman envoûtant

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coup de coeur

Les buveurs de lumière

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Pour mon prochain club de lecture, le mercredi 04/12/2017, Agnès ma libraire, a proposé « LES BUVEURS DE LUMIÈRE »(« The Sunlitght Pilgrims ») de Jenni Fagan (qui vit en Écosse et a déjà gagné des prix littéraires). Quand j’ai vu le livre, je me suis dit : « super !» : une couverture tout en gris et blanc – des Éditions Métailié – j’ai lu en diagonale la quatrième de couverture et en effet, le sujet m’a semblé plus qu’intéressant : problèmes de dérèglement climatique, des icebergs qui dérivent trop près le long des côtes – il neige dans des pays où d’habitude ce n’est pas le cas… une anticipation bien tentante car c’est justement un sujet d’actualité et qui entraîne des réunions de COP à tout va, où l’on ne fait que parler au lieu d’agir ….

Dans le prologue, on peut lire : « Il y a trois soleils dans le ciel et c’est le dernier jour de l’automne – peut-être pour toujours, Chiens du soleil, Soleils fantômes, Parhélie. Ils marquent l’arrivée de l’hiver le plus rigoureux depuis deux cents ans. (…) Certains disent que c’est la fin des temps. Les calottes fondent. Le taux de salinité de l’océan n’a jamais été aussi bas. La dérive nord atlantique refroidit. » Cela nous donc tout de suite dans le bain (glacé).

L’histoire débute en 2020 – donc dans très bientôt – à Clachan Fells, au nord de l’Écosse, dans une petite communauté qui vit dans un parc de caravanes et où les habitants essaient de s’entraider pour partager la lumière qui leur manque car tout est sombre.
On y trouve Dylan qui, après avoir vécu à Soho, arrive ici et fait la connaissance de Constance, la mère de Stella (ex petit-garçon) qui a des problèmes d’identité : elle se sent comme une fille, veut le rester mais des désordres hormonaux la font virer de plus du côté masculin, ce qu’elle refuse absolument. Autre problème.

Il y a aussi cette calotte glaciaire qui fond lentement mais sûrement ; on entre dans une période glaciale et la fin du monde serait apparemment pour demain avec l’extinction progressive de l’humanité : « La dérive nord atlantique refroidit, Dylan MacRae vient d’arriver au parc de caravanes de Clachan Fells et il y a trois soleils dans le ciel.
C’est comme ça que tout commence. » (page 8).

On y parle aussi de ces fameux « Buveurs de lumière ». : « « Une personne que j’ai rencontrée un jour m’a dit qu’on pouvait boire l’énergie du soleil,la stocker dans ses cellules pour devenir fort. Elle a dit qu’on devrait tous faire ça. C’est comme une réserve d’énergie à l’intérieur de nos cellules ; elle a dit qu’il y a des pèlerins buveurs de lumière qui le font tout le temps : c’est comme ça qu’ils résistent à l’obscurité, en stockant le plus de lumière possible, explique Stella. » (page 142).

Dylan trouve que Constance ressemble à une « cireuse de lune » car c’est ainsi qu’elle lui est apparue la première fois et cette comparaison est très poétique.
Les personnages s’aident donc comme ils peuvent – l’amour et l’amitié sont là – mais les températures ne cessent de descendre. On voit un énorme iceberg dériver tout près. Tous les pays sont frappés chacun à leur tour et c’est une catastrophe à l’échelle mondiale qui s’annonce.
La communauté va-t-elle s’en sortir et comment ? En effet les réserves s’épuisent, le froid devient plus que terrible.

Mais l’espoir est présent. C’est aussi l’occasion de voir de très belles descriptions de paysages glacés, hélas, mais qui font penser à du nature writing : nous avons droit à des aurores boréales ; à des « pénitents » qui sont en fait de « hautes silhouettes de glace pointues » ; « une fleur de glace »…..

A côté de cela il ne faut pas oublier la jeune Stella vraiment courageuse, d’un caractère bien trempé mais perdue dans ses doutes sur sa recherche d’identité.

Jenni Fagan nous offre ici un roman que l’on pourrait qualifier de déjanté mais pour moi c’est de l’anticipation, très humain, très poétique et elle arrive tout de même à y ajouter quelques touches d’humour.

Je suis restée « scotchée » devant cette lecture (c’est vite lu, dommage) avec son ambiance troublante mais également lumineuse. J’ai admiré les images de cristaux de neige, cette blancheur envahissante, la question des trois soleils, la façon dont chacun se débrouille pour faire face à cette catastrophe apparemment inévitable.

Je dois même dire que, pour ma part, ce roman d’anticipation n’est peut-être que prémonitoire, que c’est ce qui nous attend (peut-être pas demain mais après-demain) et qu’il est malheureusement peut-être trop tard pour y échapper puisque les gouvernements n’arrivent pas à se mettre d’accord au sujet des efforts qu’il faudrait faire. Il y a longtemps qu’il aurait fallu s’y mettre plus radicalement.
Plus question de blabla. La preuve en est ce qui se passe actuellement et où chacun se renvoie la balle.
Ce demain est vraiment trop inquiétant et Jenni Fagan a écrit avec un grand talent un livre qui n’est pas fait pour nous réchauffer (loin de là mais à lire au chaud tant que c’est encore possible) car l’histoire est terriblement glaçante et bien réaliste.

Ainsi, j’ai effectivement eu un GROS coup de cœur pour « LES BUVEURS DE LUMIÈRES » et je pourrai dire « Merci » à ma libraire d’avoir proposé ce livre concernant une fin du monde puisque le climat est complètement déséquilibré et que la Terre n’en peut plus des catastrophes que l’on classe comme « naturelles »…

Bon, d’abord, je m’arrête car vous l’avez compris : c’est un magnifique roman à lire si l’on s’intéresse à ces problèmes. De toute façon nous sommes tous concernés, à n’importe quelle échelle nous nous trouvions.

Mais je vais quand même vous citer une critique du New York Times : « Féroce et lucide (…), Fagan est autant poète que romancière, et ses images de cet hiver intempestif sont saturées de lyrisme ».
De plus, ce livre vient d’obtenir le Prix Transfuge du meilleur roman anglophone – 2017….

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coup de coeur

« Parfois il se demande comment il a réussi à atteindre trente-huit ans. »

« Tous les gens du village paraissent inquiets et c’est bien ça le pire. Avant il n’y avait que la pauvreté, la peste, les terroristes, les pédophiles, la drogue, les troubles de l’alimentation, les prédateurs sexuels sur Internet, les météorites qui frôlaient la terre d’un peu trop près. Maintenant les personnes réunies dans cette salle sont terrifiées à l’idée de devenir bientôt des cadavres gelés. »

Dylan a vécu toute sa vie à Soho, dans un petit cinéma de quartier, avec sa mère et sa grand-mère. A leur mort, criblé de dette et totalement inadapté à la vie sociale, il part s’installer dans une caravane de Clachan Fells, en Ecosse, que sa mère avait achetée en cachette. Nous sommes en novembre 2020 et l’hiver le plus glacial ayant jamais existé s’annonce… C’est le deuxième roman de Jenni Fagan et il est empli d’une grâce très particulière. Nourrissant perpétuellement un contexte des plus anxiogène – et ce d’autant plus que sa plausibilité est totale -, il apporte paradoxalement la chaleur la plus douce qui soit, celle des relations humaines harmonieuses. S’insérant au sein d’une communauté soudée – et pourtant pleine de heurts -, Dylan rencontre l’amour, l’amitié et une famille, dont les tenants et aboutissants sont à démêler aussi bien pour lui que pour le lecteur. A ses côtés ce dernier en prend plein la vue et s’émerveille devant la beauté de la nature, malgré sa dangerosité. Une pépite !

« Ce serait super de voir des films ici la nuit, peut-être avec des feux de camp en automne, du vin chaud, des marrons chauds, pourquoi pas ? Il y a quelque chose à aimer là-dedans. Il y a des gens qui aiment les autres, des gens qui aiment les bâtiments, et lui aussi – il se terrait dans sa cabine de projection -, mais ça ! Les bâtiments et les gens – les relations entre eux -, les maisons d’enfance, les maisons de vacances, une remise dans le jardin, une voiture en ruine. L’année dernière, ils avaient passé un film sur une femme qui avait épousé un pont.
– Ca fait loin pour aller voir mon nouvel époux, se plaignait-elle.
Elle vivait à Cologne et le pont se trouvait à Prague.
– Le coeur a ses raisons, disait-elle.
Dans le même documentaire il y avait un homme qui écrivait des lettres d’amour à un conteneur de fret et dans le film il pleurait, semblait si sincèrement ravagé par le chagrin que Dylan avait compris qu’il n’avait jamais aimé quelqu’un comme cet homme aimait son conteneur, et il n’arrivait pas à savoir lequel des deux était le plus tragique. »

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