Sirius
Jonathan CROWN

traduit de l'allemand par Corinna Gepner
Presses de la Cité
janvier 2016
240 p.  19 €
ebook avec DRM 10,99 €
 
 
 
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Un livre qui a du chien!

Il ne fait pas bon vivre à Berlin en 1938, quand on est le chien de l’illustre professeur Carl Liliencron, le spécialiste des planctons. Porter un nom juif s’avère dangereux, même pour les fox-terriers. Alors Livi se retrouve affublé d’un prénom tout neuf, emprunté aux étoiles, avec lequel il pourra faire la nique aux aryens. Dans cette Allemagne trouble, où même les animaux de compagnie portent un masque, Sirius brille par son intelligence. Puisqu’il sait déjà sauter par-dessus un obstacle et feuilleter un livre avec ses pattes, ses maîtres lui apprennent le salut nazi. Autant par précaution que par provocation. Une bonne idée, car très vite, rien ne va plus. Interdiction de circuler dans les rues, Carl Liliencron est exclu de l’université où il enseigne, et son fils Georg sauvé in extremis du camp de concentration de Sachsenhausen. Il faut à tout prix fuir le pays. Cap sur Hollywood ! Sirius embarque avec ses maîtres à bord d’un paquebot pour les Etats-Unis et se jette dans le grand bain du cinéma. Embauché par Jack Warner, le boss des studios Warner Bros en personne, il enchaîne les tournages aux côtés des plus grandes stars américaines. Ses nouveaux amis se nomment Rita Hayworth, Billy Wilder, John Wayne ou encore Cary Grant. De quoi lui assurer de coquets revenus, garantir un emploi à son maître et un logement luxueux à toute la famille. Le rôle d’Hercule propulse Sirius au faîte de la gloire et sur la piste du cirque Barnum. Alors évidemment quand il disparaît comme par magie, du jour au lendemain, c’est la catastrophe. Tout le monde le cherche partout… Jusqu’à ce qu’il pointe le bout de son nez, ou plutôt de sa truffe, à Berlin, aux côtés d’Hitler. Il fallait du culot pour imaginer pareille histoire et du talent pour l’écrire avec autant de finesse, d’humour et d’intelligence. Jonathan Crown n’en manque pas. Cela s’appelle le flair.

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Je savais, pour les avoir fréquentés de très près, que les fox-terriers étaient des chiens très intelligents. Sirius ne fait pas exception à la règle ; ou plutôt si, il fait exception car il est suprêmement intelligent, tel le Milou de Tintin. Sirius,ce cabot ne fait pas (trop) le cabot et ne pratique pas le cabotage. Levy, devenu Sirius, car chien juif, si je vous promets cela a existé, n’a dû la vie sauve, une première fois, que parce qu’il savait faire le salut hitlérien. Il a pu s’exiler, à temps, aux USA avec les Liliencron, ses maîtres, juifs instruits vivant à Berlin. Lors de la funeste nuit de cristal, leur quartier fut mis à feu et à sang, les juifs embarqués. Ils ont pu s’enfuir et se cacher chez leur ami, comédien allemand, puis s’enfuir par la Suisse. Les péripéties continuent et Sirius devient Hercule, star hollywoodienne. Mais bon, Hollywood, c’est le royaume du fric et voici notre cabot loué au plus grand cirque états-uniens (pour moi, référence au « Plus grand cirque du monde » de Henry Hathaway). On ne va pas s’arrêter en si bon chemin, que nenni ! Hercule retourne, par des hasards hasardeux, à Berlin , devient Hansi et se retrouve dans les bras et sur les genoux d’Hitler lui-même. Il devient le toutou du führer et espion à la solde des alliés. Mais oui, ma brave dame, sur les genoux d’Hitler. Ce bouquin m’a fait penser aux bandes dessinées d’après-guerre, vous savez les fameux « Comics ». Beaucoup de références cinématographiques, beaucoup de belles gueules de cinéma tout comme cette façon d’encenser puis de jeter les gens. Avec tous les retournements de situations, cela ferait également un bon film d’animation. Dans la première partie, juste au début de la montée en puissance d’Hitler, on sent l’angoisse monter, l’ambiance devient pesante. Liliencron ne veut pas croire à une extermination possible des juifs. L’Allemagne est sa patrie et il veut y rester. « Nous ne nous laisserons pas expédier dans le désert, répond Liliencron. Hitler serait trop content. Nous sommes allemandes. Notre place est en Allemagne ». L’avenir lui donnera tort. Grâce à Levy-Sirius-Hercule-Hansi, nous suivons les deniers mois de la vie d’Hitler, la défaite annoncée. Levy-Sirius-Hercule-Hansi, tel un chat est toujours retombé sur ses pattes, même quand il fut taupe, une vraie vie de chien ! Jonathan Crown passe de l’angoisse à la cocasserie, du sérieux à la légèreté. J’ai passé une bonne soirée à lire ce livre. Une façon connue mais bien employée ici pour parler d’évènements historiques sans façon.

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