Tous nos noms
Dinaw Mengestu

Traduit de l'anglais par Michèle Albaret-Maatsch
Le Livre de Poche
litt.generale
août 2015
320 p.  7,30 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

La vérité du nom

Troisième roman traduit*, pour ce romancier sensible, et la magie opère toujours. Dès les premiers chapitres, vous serez captifs. Croyez-moi. Vous vous imprégnerez de l’énergie vitale des personnages, vous émerveillerez de leurs convictions, vous amuserez de leurs maladresses, parfois vous serez portés par une émotion authentique, ébranlés dans les certitudes que vous vous serez forgées avant d’avoir vu évoluer Isaac et Helen. Comme souvent avec Dinaw Mengestu, vous vous interrogerez sur la difficulté à définir une identité, l’appartenance à une humanité complexe et changeante, notamment en vous attachant à Isaac, puisqu’il faut bien nommer ce jeune Africain qui arrive dans le Midwest américain grâce à un programme d’échange universitaire. Nom qui n’est pas le sien, ainsi qu’il le raconte dès les premières pages. Les raisons de ce choix de prénom se dessilleront au fur et à mesure des confessions du jeune homme. Lorsqu’il arrive de l’Ouganda, fuyant une révolution réprimée dans le sang, Isaac est pris en charge par une travailleuse sociale, Helen. Leurs deux voix alternent. Celle d’Isaac relate l’avant, la vie d’étudiant révolutionnaire, les violences militaires et guerrières dans un pays d’Afrique noire en douloureuse reconquête, mais aussi ses interrogations sur les sentiments qu’il porte à Helen. La femme dont la voix impérieuse et forte l’ancre dans une nouvelle réalité. La parole d’Helen, plus âgée, vous étonnera peut-être. Assurée autant qu’incertaine, à son image. Comment croire en ce couple qu’elle forme avec Isaac ? Vivre au secret, à l’abri du regard des autres ? Ou afficher leur relation dans une ville moyenne où la mixité raciale semble encore poser des problèmes ?

Les secrets qu’ils ont, l’un envers l’autre et le poids du passé du jeune homme ne sont pas de nature à rendre leur couple solide. Peut-on « être » dans un prénom qui n’est pas le sien… et naître à une nouvelle vie ? Toute forme d’oubli est impossible si la parole n’est pas libérée, et c’est vrai tant pour Helen que pour celui qui se fait appeler Isaac.

* « Les belles choses que porte le ciel » (2007, prix du Meilleur Premier roman étranger) et « Ce qu’on peut lire dans l’air » (2011)

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