La distance de fuite
Catherine Safonoff

ZOE EDITIONS
janvier 2017
300 p.  18,50 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Journal des quatre saisons

J’ai personnellement découvert Catherine Safonoff avec ce titre, sorte de journal autobiographique. Pourtant, cette auteure suisse née en 1939 a publié huit romans et deux recueils de nouvelles pour lesquels elle a notamment reçu le Grand Prix Ramuz en 2015.

Ecrire, dit-elle

Rendons à César ce qui est à Pascal Quignard, auquel est emprunté le titre : « L’expression la distance de fuite vient de l’étude des animaux. Distance ici désigne l’espace protecteur que veille à garder autour de lui l’animal dont la seule défense est la vitesse de sa course ». C’est bien tout l’enjeu du livre de Catherine Safonoff, qui recherche la bonne distance dans sa relation aux autres comme dans l’écriture. Avec une œuvre en grande partie déjà derrière elle, elle continue de s’interroger sur les mots, ceux qu’on dit, ceux qu’on écrit, donnant cette jolie définition : « Ecrire, c’est adresser une longue lettre au lecteur ». Mais avant que celle-ci nous parvienne, il y a les passages à vide, les doutes, les séances chez le psychiatre qui s’inquiète de savoir « comment va [son] écriture », la vie étant la matrice d’une œuvre laborieuse à accoucher. On la voit la nuit, en transe, supprimant, corrigeant, jusqu’à faire boguer son ordinateur. Mais loin d’être enfermée dans sa tour d’ivoire, elle se prête aussi à des lectures publiques, assiste à des conférences, lit et relit Ramuz, Proust, Colette, Montaigne, Leiris…

Ecrivain dans la ville

Catherine Safonoff découpe son récit en saisons, évoquant les choses et les êtres : sa vieille maison et son jardin, son vélo, la cigarette, la voix de la radio, ses deux filles, son ex-mari, l’amant défunt, la Grèce, pays de l’amour et de l’amie poétesse inspiratrice Katerina Anghelaki-Rooke. Et puis, deux expériences particulières nourrissent ce livre : la rencontre avec un sans-abri albanais sur lequel elle voulait écrire (projet qui tourne court), et les ateliers d’écriture qu’elle anime en prison – ou l’écriture comme moyen d’évasion… Là, elle prend pleinement conscience d’une chose essentielle : « Ecrire est soumis à trop de règles. […] En revanche, entre quatre murs, la parole immédiate, enfuie sitôt dite, retrouve quelque valeur : justement parce qu’elle au moins s’enfuit ». On en revient à cette fameuse tension, « écrite, la distance deviendra peut-être lien ». Et c’est bien cela, l’écart avec nous, lecteur, s’amenuise dans un double mouvement « de fuite et de refuge ». Un livre précieux.

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