Herbjorg Wassmo
traduit du norvégien par Loup-Maëlle Besançon
10-18
septembre 2018
560 p.  9,60 €
 
 
 

I  n  t  e  r  v  i  e  w 
Herbjørg Wassmo
« Je suis une battante »

Un nouveau roman de Herbjorg Wassmo, c’est toujours une excellente nouvelle pour sa petite troupe de lecteurs inconditionnels. Celui-ci l’est à triple titre, puisqu’il réunit les personnages de trois trilogies précédentes : « Le Livre de Dina », « Fils de la Providence », « L’héritage de Karna ». Des retrouvailles pour ceux qui les avaient lues et aimées, une découverte pour les autres, et un pur moment de lecture pour tout le monde. De passage à Paris, ses yeux bleus glacier plantés dans les vôtres, et avec l’aide d’une traductrice car elle préfère s’exprimer en norvégien, elle répond longuement aux questions qui l’intéressent et balaye d’un geste celles qu’elle juge inutiles ! Au fond, elle ressemble à ses héroïnes, franche, directe, sans compromis.

Lorsque vous écriviez vos livres précédents, saviez-vous que vos personnages se retrouveraient tous, un jour, dans « Le testament de Dina » ?
Je ne planifie jamais mes romans à l’avance. Je suis une écrivaine intuitive, et lorsque je me mets à ma table de travail, je ne sais pas ce qui va en sortir. Un livre naît parfois d’une impulsion, d’un rêve, d’un endroit que je vois en imagination mais que je ne connais même pas. Pour celui-ci, c’est un peu différent. Le personnage de Karna qui doit lire, devant une assemblée, la confession de sa grand-mère reconnaissant avoir tué deux hommes, m’a torturée, poursuivie… Je me reprochais de l’avoir trahie, de l’avoir abandonnée dans cette église après ce terrible aveu. J’avais besoin de la retrouver, même si je pensais que de renouer avec cet univers tant d’années plus tard, ressemblait à un suicide littéraire !

Comment avez-vous réussi à renouer le fil ?
Il a fallu que je mette la main sur les recherches que j’avais effectuées pour les livres précédents. Comme j’ai beaucoup déménagé, elles se trouvaient dans des caisses et je les ai finalement dénichées dans une ferme. Une fois la machine lancée, j’ai été totalement captivée de constater à quel point Dina, même après sa mort, continuait à régner sur sa famille et sur mes personnages.

Entre les trois trilogies et ce nouveau roman, vous avez publié deux textes d’inspiration autobiographique.
J’avais besoin de raconter mon histoire, ma douleur, ma honte d’avoir subi cette relation incestueuse avec mon père. Je pensais qu’il le fallait… A la suite de leur parution, j’ai rencontré beaucoup de jeunes personnes traumatisées par les agressions sexuelles qu’elles avaient subies. Je ne veux cependant pas passer pour une victime, je suis une battante, et je veux revenir à la fiction. Mais elle sera forcément influencée par ce passage autobiographique.

Vos livres se situent tous à la même période, à la toute fin du 19 siècle. Pourquoi ?
C’est une période intéressante de l’Histoire de la Norvège. Au Nord du pays, il y avait de grands propriétaires, qui épousaient de jeunes femmes, comme ce fut le cas pour Dina. Ils mouraient en général bien avant leurs épouses, qui devenaient des veuves riches et libres. Cela a instauré une forme de matriarcat. C’est aussi l’âge d’or pour l’art, la littérature, la peinture, la musique…

Pourriez-vous imaginer vivre ailleurs qu’en Norvège ?
Non. Il faut en outre que je sois toujours proche de l’océan. J’ai besoin d’avoir le fjord en intraveineuse ! Chaque matin, si je n’écris pas, et s’il n’y a pas trop de vagues, je vais ramer, et nager. Il n’y a que les oiseaux et moi…

Propos recueillis par Pascale Frey
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