Hélène Gestern
Arléa Editions
arlea-poche
octobre 2013
300 p.  10 €
 
 
 

Le livre écarlate (Paris)

illustration Brigitte Lannaud Levy (Dr.)

S’il a baptisé sa librairie parisienne d’un nom follement romanesque, « Le livre écarlate », c’est en référence à cette littérature anglo-saxonne qui le passionne tant.  Philippe Leconte nous cite ces trois textes majeurs qui l’ont inspiré : « La lettre écarlate » de Nathaniel Hawthorne,  « La peste écarlate » de Jack London et « La servante écarlate » de Margaret Atwood. S’il a vu rouge pour ce lieu – un ancien atelier de gravure voisin d’un centre des impôts tout gris-   c’est uniquement pour lui donner un bon coup de peps et attirer visuellement les habitants du quartier. 

À 60 ans après une carrière de cadre dans l’édition, ce passionné de littérature a décidé de passer de l’autre côté du miroir et de réinventer son futur en créant une librairie, sa librairie. « Vous imaginez qu’en apprenant le métier je me retrouvais apprenti à 58 ans ! » nous dit-il avec une sincère modestie. Épaulé dans sa démarche par son épouse qui y croyait, il décide de s’installer dans son quartier qu’il connaît si bien et qui manquait cruellement de librairies. En 2005, il ouvre les portes de son enseigne « Le livre écarlate » rue du Moulin Vert dans le quatorzième arrondissement de Paris,  moins connue que son artère voisine la rue d’Alésia, mais dont il savait que les habitants du quartier l’empruntent régulièrement pour éviter l’agitation et le trafic . «L’intérêt comme on dit dans le commerce, n’est pas d’être sur la plage, mais sur le chemin qui va à la plage. Et si on veut une librairie de fonds, on doit à tout prix éviter le côté portes de saloon avec des visiteurs peu impliqués qui ne viennent qu’en coup de vent pour l’achat d’un seul livre, souvent une nouveauté » nous explique Philippe Leconte. Et si les ouvrages lui tiennent à cœur c’est avant tout à ses visiteurs qu’il a pensé en imaginant ce lieu, pour qu’ils se sentent accueillis et libres de leurs mouvements.  En dépit de la surface de 55 m2, il a pensé particulièrement aux personnes à mobilité réduite  qui peuvent circuler en fauteuil roulant ou de même les mamans avec leurs poussettes. Rencontre avec un libraire animé d’une bien  belle flamme. 

Quel roman nous conseillez-vous ?
« Sourdes contrées »  de Jean Paul Goux (Éditions Champ Vallon). Un roman puissant qui interroge la mémoire et la nature des souvenirs qu’ils soient partagés ou non. Un texte qui aborde cette réalité où nous plonge le temps qui passe à notre insu et qui se nourrit de nos rêves. C’est très beau.

Et du côté des auteurs étrangers que nous recommandez-vous ?
« D’os et de lumière » de Mike McCormack, traduit de l’anglais par Nicolas Richard (Grasset). Un roman irlandais introspectif sur la vie d’un homme racontée avec émotion.  On entre dans la pensée du personnage et on suit les méandres de ses relations avec sa famille, sa femme.  Les souvenirs remontent à la surface de son existence . On y découvre toutes les souffrances sociales du monde rural.

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
J’ai plutôt envie de vous répondre de relire. Ceux que je n’ai pas lus comme il le fallait, parce que ce n’était ni le lieu ni le moment. Ainsi « Ulysse » de Joyce, j’ai beau m’y plonger, je passe à côté. Sans doute faudrait-il que j’aille à Dublin, et que la ville m’aide à saisir des intentions de James Joyce. 

Y- a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
«  Manuel à l’usage des jeunes filles » de Mick Kitson ( Métailié), traduit de l’anglais par Céline Schwaller. Un roman écossais surprenant et par certains points dérangeant, mais passionnant. Pour fuir un affreux beau-père et une mère détruite par la drogue et l’alcool, Sal une gamine organise sa fuite et celle de sa petite sœur Peppa au cœur d’une forêt sauvage dans les Highlands où elles vont se mettre en mode survie. Elles vont y rencontrer une sorcière, une femme médecin allemande qui a fui le nazisme. C’est une sorte d’Ile au trésor avec des filles.  C’est un livre très touchant et qui en dépit de sa noirceur ne s’assombrit pas complètement.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Eux sur la photo » de Hélène Gestern ( Arléa). C’est un livre récent, mais de ceux quand ils entrent en librairie dont on sait qu’ils y auront leur place pour toujours.  C’est une petite merveille d’écriture et de surprise de lecture. L’histoire d’une petite annonce dans le journal d’une femme qui cherche la vérité sur sa mère morte quand elle avait trois ans. Elle a pour indice une photo de la disparue entourée de deux hommes. Une réponse arrive d’Angleterre, par le fils de l’un d’eux. C’est un roman épistolaire sur deux êtres qui remontent le temps où les histoires de recoupent ou non, les récits divergent et questionnent. Une belle réflexion sur le secret de famille et sur la mémoire singulière qui se fixe sur une photo.  Depuis Helène Gestern nous a donné « L’odeur de la forêt »,  « Portrait d’après blessure ». C’est une romancière qui compte

Une brève de librairie
Très régulièrement j’avais la visite d’un monsieur très distingué, d’une soixantaine d’années, d’origine asiatique parlant un français parfait avec un très léger accent du sud. Je mis un certain temps à réaliser que c’était Akira Mizubayashi, l’auteur que j’admire tant d’ « Une langue venue d’ailleurs », « chronique d’une passion », « Dans les eaux profondes. » Depuis, au fil de ses visites, il est devenu un ami. 

Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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Le livre écarlate
31 rue du Moulin vert
75014 Paris
01 45 42 75 30

 

 

 
 
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