Angie est prof. Elle devient aussi en cette fin août un nouvel écrivain de la rentrée littéraire. Son roman sur l’adolescence et son rapport aux réseaux sociaux et la virtualisation des échanges combiné avec le travail de la maison d’édition et de l’attachée de presse aboutisse à la présence d’Angie sur le plateau d’une émission de télé. En présence du Présentateur, du Chroniqueur, d’un Député, d’un Acteur, etc… (aucun nom, les personnages sont à quelques exceptions près représentées par leur fonction), Angie se confronte mentalement à sa propre histoire qu’elle fait resurgir petit à petit, aidée en cela par l’ombre menaçante du Homard, être virtuel qui semble la détester et qui promet, sur son blog, des révélations sur la vraie nature d’Angie.
Jessica Nelson procède par successions de chapitres qui sont autant de bribes de pensées volées aux différents protagonistes. En plus des personnages précédemment cités, les tantes d’Angie ont un rôle essentiel. Avec des parents souvent absents, professeurs militants toujours par monts et par vaux à s’embarquer dans des missions humanitaires et délaissant leurs deux filles, Angie est formatée dès sa plus tendre enfance par ses trois tantes, sortes de fées qui se sont penchées sur son éducation, férues de culture, l’une étant danseuse, l’autre peintre et la troisième écrivain.
Tout l’enjeu du livre est certes d’aboutir à la révélation de la brisure dans la jeunesse d’Angie, mais pas que… Jessica Nelson en profite pour dresser un portrait à charge du microcosme intellectuel télévisuel, du faux-semblant et de l’hypocrisie qui y règnent. Jessica Nelson est bien placée pour en décortiquer tous les rouages, elle y participe aussi.
Elle parle aussi de notre relation aux réseaux sociaux et à la place qu’ils ont prise, supplantant ou concurrençant petit à petit des médias plus ancrés dans la sphère culturelle.
Si le livre prend un peu son temps avant de prendre toute son ampleur, Jessica Nelson parvient à happer son lecteur en douceur pour l’emmener là où elle le souhaite, mine de rien, en respectant un bel équilibre entre tous ses personnages dont aucun n’est jamais laissé totalement de côté, dont chacun a droit à sa phase de mise en lumière, dont surtout chacun est une facette de l’édifice fragile du grand barnum médiatique qu’il concerne la culture, le politique, le médiatique, etc…
Il y a un sentiment de vacuité qui sort de ce livre : que fait-on ? et pourquoi le fait-on ? Ecrit-on pour soi, pour les autres, pour personne en définitive ? Jessica Nelson ne prend pas parti car en définitive un auteur écrit d’abord pour lui et ensuite pour être lu et vu. Ecrire est sa façon à lui d’exister d’abord à ses yeux et ensuite aux yeux du monde. Il y a quelque chose d’impudique à se faire éditer, comme une mise à nu. Ce déshabillage ne peut-être qu’intime et total pour espérer atteindre une vérité qui n’a rien d’universelle mais qui rend la travail de l’auteur honnête, toute retenue pouvant passer pour de la supercherie auprès des lecteurs, plus vigilants qu’il n’y parait.