Ils vivent la nuit
Dennis Lehane

Traduit de l’anglais par Isabelle Maillet
Rivages
mars 2013
544 p.  23,49 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Lehane hors la loi

« Quelques années plus tard, sur un remorqueur dans le Golfe du Mexique, Joe Coughlin verrait ses pieds disparaître dans un bac de ciment frais. » C’est sur cette phrase pour le moins énigmatique que s’ouvre le dernier roman de Dennis Lehane, nouvel opus dans la fresque familiale des Coughlin. Si « Un pays à l’aube » s’intéressait au destin de l’aîné des fils de Thomas Coughlin, commissaire adjoint et notable respecté, « Ils vivent la nuit » relate la trajectoire du cadet, Joe, qui choisit quant à lui la voie du gangstérisme.

1926, la Prohibition bat son plein. Boston est devenu le terrain de jeu favori des bootleggers et des flics corrompus qui se livrent une guerre sans merci sur fond de règlements de comptes, d’argent sale et de trafic d’alcool. Chaque camp a ses propres lois, que l’on ne transgresse pas impunément. Joe l’apprend à ses dépens : après le braquage d’un bar clandestin appartenant à Albert White, le parrain local, il a la mauvaise idée de séduire en sus sa maîtresse et se retrouve, après un tabassage en règle, derrière les barreaux du terrible pénitencier de Charleston. Pour survivre, il se place sous la protection de Maso Pescatore, chef mafieux, pivot d’un puissant réseau de contrebande en Floride, dont Joe prend les commandes à sa sortie de prison. Déjouant les pièges du milieu, usant de son charme et de son intelligence, Joe se retrouve à la tête d’un véritable empire lorsque la Prohibition prend brutalement fin…

Remarquable photographie de la société américaine des années 30, ce récit dense et enlevé se déploie comme un conte initiatique, de la naissance à la chute d’un hors-la-loi pas tout à fait comme les autres. Car s’il semble tirer parti des effets pervers de la Prohibition, Joe ne souhaite pas devenir une figure reconnue du milieu, à l’image de son mentor, mais simplement jouir de la liberté que lui offre ce mode de vie au sein d’une société gangrénée par la violence, le racisme et le repli des communautés sur elles-mêmes. L’auteur, originaire de Boston, exploite avec beaucoup de talent et de naturel ces divers aspects sociétaux, comme autant de ressorts dramatiques régissant la destinée de ses protagonistes, intimement liés à l’univers violent qui les entoure. On attend avec impatience l’adaptation au cinéma de ce roman-fleuve dont les droits ont été achetés par Ben Affleck, récemment oscarisé, en guise de consolation une fois la dernière page tournée.

 

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« Ils vivent la nuit »: belle déception que ce roman

Suite du chef d’oeuvre littéraire « Un pays à l’aube », vrai « grand roman américain » prenant pour cadre historique, politique et social la fin de la Grande Boucherie de 1914-1918, l’épidémie de « grippe espagnole », les premiers mouvements d’émancipation de la cause noire et, point de départ de l’intrigue principale, la tumultueuse grève des policiers de Boston en 1918-1919, « Ils vivent la nuit » se déroule dix ans plus tard mais n’arrive jamais à la cheville du précédent opus: intrigue très simpliste, personnages à peine fouillés, situations rarement crédibles et souvent « clichés » et, loin d’être un détail anecdotique, absence totale de ce souffle épique qui rendait « Un pays… » si prenant, immersif et passionnant. Et toujours avec la « patte » Dennis Lehane.

Pour en avoir discuté avec d’autre lecteurs aussi fans que moi-même du romancier bostonien, je suis loin d’être le seul à avoir été plus que déçu par sa dernière salve.

Un roman qui, comme l’écrivait justement un internaute, sent mauvais le « livre de commande, assez bâclé ». L’adaptation par Ben Affleck, bien qu’excellent réalisateur de « Gone Baby Gone » ou « The Town » peut, peut-être, lui redonner un peu de chair et d’âme, mais la narration relatée uniquement côté « prohibition » sent aussi le pur produit commercial « film de gangsters hollywoodien »…

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