Nina Allan
traduit de l'anglais par Bernard Sigaud
tristram
litt.etrangere
août 2019
410 p.  23,90 €
 
 
 

l a   c  r  i  t  i  q  u  e   i  n  v  i  t  é e

Alice Develey (Le Figaro) a choisi «La fracture» de Nina Allen, chez Tristram

A quoi tient un bon roman ? Son histoire ? Son style ? Ses effets de réel ? A mon sens, Nina Allan s’est approchée au plus près de la réponse à cette difficile question. Son dernier livre, « La Fracture », m’a littéralement arrêtée. Avec lui, j’ai pris le temps de me poser, de lire, de réfléchir et de frémir. Car cet ouvrage que j’ai dévoré en quelques heures et qui m’a provoqué de nombreuses interrogations philosophiques est un thriller.

Un jour de 1994, Julie Rouane, 17 ans, disparaît. A-t-elle été enlevée ? A-t-elle fugué ? La police mène l’enquête. Mais malgré deux arrestations, le dragage du lac, l’affaire Julie devient l’un de ces terribles cold case comme on en voit à la télévision. Vingt ans passent, quand l’adolescente, devenue trentenaire, refait son apparition. Comme par enchantement. Que lui est-il arrivé ?

Nina Allan se refuse tout d’abord à répondre cette question. Comme le titre de son livre l’indique, elle se concentre sur les « fractures » que la disparition de l’adolescente a créées. Il y a la maman qui a fait le deuil de sa fille et a décidé de ne plus prononcer son nom ; le père qui par désespérance s’est jeté dans tout type de croyance, histoire de trouver « un moyen de maintenir Julie en vie ». Et puis il y a Selena, la sœur, âgée de 14 ans au moment des faits. Pour elle, le temps ne s’est ni accéléré ni arrêté, mais détraqué. Devenue une employée de bijouterie, sans goût pour rien ni personne, elle ne peut s’empêcher de se demander ce qu’aurait été sa vie si Julie n’avait pas existé. Car après sa volatilisation, Selena s’est interdit tout bonheur au motif que son aînée ne pouvait plus être heureuse. Certes, elle a conscience qu’il s’agit-là d’un prétexte. Mais elle a peur.

Selena est traumatisée. Elle peut se rappeler « avec une précision tranchante comme une lame de couteau » le jour de la disparition de Julie. Elle est toujours dans cette cuisine, ce samedi de 1994, à manger ses céréales alors que sa soeur a commencé à mettre un pied dans l’inconnu. J’utilise l’expression à bon escient car, il faut se le rappeler, le livre parle d’une « fracture ». S’il est donc question d’une fracture familiale, il s’agit aussi d’une fracture spatio-temporelle. Sans trop en dire, à moins de révéler le cœur de l’intrigue du livre, je dirais que Nina Allan donne de gros coups de pioche dans le genre littéraire du merveilleux-scientifique pour expliquer l’éclipse de Julie…

Avec Nina Allan, tous les doutes sont permis. Car à la fin, peu importe la vérité. Comme le disait Lewis Caroll : « Si la vie n’a pas de sens, qu’est-ce qui nous empêche de lui en inventer un? » A.D.

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