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«La symphonie du hasard» livre 3  de Dougas Kennedy, traduit de l’anglais par Clohé Royer paraîtra le 3 mai aux Editions Belfond

Alors que le livre 2 vient tout juste d’arriver en librairie, voici qu’on nous annonce déjà le troisième et dernier tome de cette symphonie du hasard. Un roman qui se passe entre New York et Boston.

En voici le début :

« Nixon a démissionné et Gerry Ford est devenu président. Le Vietnam s’est écroulé. Un Français fou à lier du nom de Philippe Petit a franchi l’espace entre les deux Tours jumelles sur une corde raide. La Turquie a envahi Chypre. On ne pouvait plus entrer dans un bar ou un diner sans entendre I Shot The Sheriff d’Eric Clapton, même si les gens cultivés parlaient surtout de Randy Newman, de Tom Waits et de Steely Dan. Et juste avant que l’automne n’arrive dans le Vermont, notre nouveau président a scandalisé tout le monde en graciant son prédecesseur… dont la paranoïa et le désir de vengeance avaient causé la perte.

L’automne dans le Vermont. On répète partout que c’est une saison typique de la Nouvelle Angleterre, où le feuillage prend une couleur intense et éblouissante. Début octobre, un brusque rafraîchissement a apporté deux semaines de froid mordant et d’ensoleillement cristallin.

L’automne dans le Vermont. J’étais consciente de sa beauté, mais de manière distante. Tout aussi distraitement, j’écoutais la radio, et achetais parfois le journal pour m’informer des événements récents survenus dans le pays et le monde.

Personne, dans le petit immeuble où je louais un studio pour moins de cent dollars par mois, ne me connaissait. Quand on me posait la question, je disais juste que j’étais étudiante à l’université.

Toutes les deux semaines, j’avais rendez-vous chez un audiologiste pour évaluer mon ouïe, encore très abîmée. Pendant les quatre premiers mois, mes oreilles avaient sifflé en permanence. Ça avait fini par s’estomper, mais les sons aigus me causaient encore une vive douleur. Par moments, mon ouïe se brouillait. L’audiologiste m’avait proposé de recourir à des prothèses auditives, une pour chaque oreille, et je m’étais tout de suite imaginée en vieille sourdingue, avec deux tuyaux reliés à des transistors énormes que je rangeais dans les poches de mon cardigan mangé aux mites – mais Fred le prothésiste, comme je l’avais surnommé, s’était montré très rassurant. A l’en croire, on venait de sortir des appareils sans fil, très discrets qui se dissimulaient derrière l’oreille.

Fred avait la cinquantaine, une veste à carreaux criarde et couverte de pellicules, et portait d’épaisses lunettes. C’était le docteur Tarbell, mon ORL au Medical Center Hospital of Vermont qui me l’avait recommandé.

« Il est un peu excentrique, avait-elle ajouté avec un sourire, mais il connaît son métier. Et puis, on aime bien les excentriques, ici, à Burlington. »

Le cabinet de Fred était proche des arcades de Main Street. Comme il ne vendait pas que des prothèses auditives, sa vitrine était remplie de bras et de jambes artificiels. Il m’a fait passer toute une batterie de tests. Il accomplissait la moindre tâche avec une lenteur méthodique, mais maîtrisait effectivement bien son sujet. A la fin de notre premier consultation, il m’a effleuré le bras d’un air triste. »

 

 

 

 

 
 
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