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«Madame la présidente» de Helene Cooper, traduit de l’anglais par Mathilde Fontanet paraîtra le 5 avril aux Editions Zoé

 

 Helene Cooper avait remporté le prix des lectrices de ELLE en 2011 pour son autobiographie, « La Maison de Sugar Beach », et le prix Pulitzer quatre ans plus tard pour son reportage sur l’épidémie Ebola. Autant dire que l’on est impatient de découvrir « Madame la Présidente », sa biographie d’Ellen Johnson Sirleaf, devenue présidente du Liberia en 2006 et la première cheffe d’Etat du continent africain. 

 En voici le début : 

« Au Libéria, la place d’une femme était au marché, à l’église, à la cuisine ou au lit. Mais une petite fille allait faire exception. 

Pour cette petite fille, mise au monde le 29 octobre 1938 dans l’arrière-chambre du domicile familial de Benson Street, à Monrovia, le destin avait de grands projets ; tous ses proches le savaient. Après tout, n’était-ce pas la prédiction du Très Ancien, l’un des nombreux prophètes qui parcouraient Monrovia pour y diffuser sa sagesse ? Quand il était passé jeter un coup d’œil au bébé de Carney et Martha Johnson, dans leur maison à base de béton, quelques jours après la naissance de la petite Ellen, surnommée Red Pumkin parce qu’elle était « rouge comme une citrouille », il avait regardé attentivement dans le berceau, puis déclaré : « Cette enfant va être quelqu’un d’important. Cette enfant va diriger. » 

En fait, ce ne furent pas ses mots. Un Libérien ne parle pas comme ça. Simplement, plusieurs décennies plus tard, quand Ellen Johnson Sirleaf écrivit son autobiographie, elle l’intitula Cette enfant va être quelqu’un d’important, par allusion à la prophétie du Très Ancien. 

Elle préféra normaliser l’expression, considérant qu’un public international ne comprendrait pas la langue du Libéria, qui peut passer sans crier gare de la clarté la plus limpide à l’obscurité la plus impénétrable. L’anglais de l’Afrique de l’Ouest n’est pas un pidgin english, le fruit des efforts des colons pour commmuniquer avec les Africains – même s’il y a aussi du pidgin english dans la langue du Libéria. Ce n’est pas non plus du créole – même s’il y a aussi du créole dans la langue du Libéria. 

Non, l’anglais du Libéria est un merveilleux salmigondis intégrant tout cela, une langue internationale qui s’inspire librement de la phraséologie britannique et de l’argot américain, avec la petite pointe des Etats du Sud transmise par les esclaves américains affranchis qui colonisèrent le pays, sans oublier l’influence des vingt-huit groupes ethniques qui résistèrent aux affranchis à leur arrivée, et celle des paraboles propres au quotidien africain. 

Parce que, au Libéria, les gens ne cessent de parler par paraboles. La plupart du temps, on peut les comprendre. « L’est mort, le bébé crabe. Mais le crabe, y pleure pas. Et ces gros yeux globuleux qui se mouillent ? » (Traduction : « Pourquoi Marcia est-elle si contrariée par l’horrible coupe afro de Jan alors que lui ne s’en plaint pas ? ») » 

 

 

 
 
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