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«Sérotonine» de Michel Houellebecq,
paraîtra le 3 janvier 2019 aux Editions Flammarion

C’est bien évidemment l’événement annoncé et attendu de la rentrée de janvier. Et bien évidemment, il va diviser les lecteurs en deux camps.

Lire notre chronique « La tentation de l’ennui »

En voici le début : 

C’est un petit comprimé blanc, ovale, sécable.

Vers cinq heures du matin ou parfois six je me réveille, le besoin est à son comble, c’est le moment le plus douloureux de ma journée. Mon premier geste est de mettre en route la cafetière électrique ; la veille, j’ai rempli le réservoir d’eau et le filtre de café moulu (en général du Malongo, je suis resté assez exigeant sur le café). Je n’allume pas de cigarette avant d’avoir bu une première gorgée ; c’est une contrainte que je m’impose, c’est un succès quotidien qui est devenu ma principale source de fierté (il faut avouer ceci dit que le fonctionnement des cafetières électriques est rapide ). Le soulagement que m’apporte la première bouffée est immédiat, d’une violence stupéfiante. La nicotine est une drogue parfaite, une drogue simple et dure, qui n’apporte aucune joie, qui se définit entièrement par le manque, et par la cessation du manque.

Quelques minutes plus tard, après deux ou trois cigarettes, je prends un comprimé de Captorix avec un quart de verre d’eau minérale – en général de la Volvic.

J’ai quarante-six ans, je m’appelle Florent-Claude Labrouste et je déteste mon prénom, je crois qu’il tient son origine de deux membres de ma famille que mon père et ma mère souhaitaient, chacun de leur côté, honorer ; c’est d’autant plus regrettable que je n’ai par ailleurs rien à reprocher à mes parents, ils furent à tous égards d’excellents parents, ils firent de leur mieux pour me donner les armes nécessaires dans la lutte pour la vie, et si j’ai finalement échoué, si ma vie se termine dans la tristesse et la souffrance, je ne peux pas les en incriminer, mais plutôt un regrettable enchaînement de circonstances sur lequel j’aurai l’occasion de revenir – et qui constitue même, à vrai dire, l’objet ce livre – je n’ai quoi qu’il en soit rien à reprocher à mes parents mis à part ce minime, ce fâcheux mais minime épisode du prénom, non seulement je trouve la combinaison Florent-Claude ridicule, mais ses éléments eux-mêmes me déplaisent, en somme je considère mon prénom comme entièrement raté. »

 

 
 
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