Miriam Toews
traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Buchet Chastel
août 2019
225 p.  19 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 

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Sylvie Tanette (Les Inrocks) a choisi « Ce qu’elles disent » de Miriam Toews (Buchet Chastel)

 

« Au départ c’est un fait divers réel : dans une communauté de mennonites (qui sont des chrétiens rigoristes, je dirais des sortes d’amish), durant des mois, des hommes ont violé impunément des femmes. Miriam Toews, qui a grandi dans le Manitoba au sein d’une communauté religieuse du même genre, est partie de cette histoire vraie pour écrire son roman.
Elle imagine que des femmes du village, après la découverte des viols et l’arrestation des coupables, se réunissent durant 48h dans une grange pour décider de ce qu’elles doivent faire : continuer à vivre comme si de rien n’était, tuer carrément les coupables ou s’en aller.
Ce que j’ai aimé c’est que Toews, qui connaît bien ce milieu, nous plonge immédiatement dans cette ambiance figée dans le temps, très déroutante. On a la sensation d’être dans la « Petite maison dans la prairie » mais régulièrement des détails extérieurs nous rappellent que nous sommes dans les années 2000. Surtout, les conversations de ces femmes sont fascinantes. Elles ne sont jamais sorties de chez elles et, lorsqu’elles veulent argumenter, elles ne peuvent s’appuyer que sur des exemples trouvés dans les Ecritures ou sur ce qu’elles observent dans le comportement des animaux de leurs fermes.
Pourtant, l’élaboration de leurs raisonnements nous concerne. Ces femmes cherchent à comprendre pourquoi des hommes se sont sentis autorisés à agir comme ils l’ont fait, pourquoi elles leur ont toujours obéi et plus généralement pourquoi est-ce que les rôles entre hommes et femmes ont été distribués comme ils l’ont été. Bref, dans cette histoire très singulière sont agitées toutes les questions que l’on se pose depuis le mouvement #metoo, (alors que le livre a été écrit avant). Voilà pourquoi j’ai beaucoup aimé ce texte, cette parole qui se libère nous hante bien après la fin de notre lecture. 

Propos recueillis par Pascale Frey
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