Ian Rankin
Traduit par Freddy Michalski
Le Livre de Poche
septembre 2013
600 p.  8,10 €
 
 
 
Rencontre avec Ian Rankin

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Si les auteurs de policiers commencent à licencier leurs héros, où va-t-on? Après une vingtaine de romans qui mettaient en scène l’inspecteur Rébus, voici ce dernier parti à la retraite. Lassitude de la part de Ian Rankin? Souci de réalisme plutôt. Mais heureusement, les écrivains ne manquent pas d’ingéniosité…

 

Pourquoi avoir abandonné l’inspecteur Rébus?

Lorsque j’ai commencé ma série, je suis allé voir la police pour obtenir des renseignements afin de ne pas commettre d’erreurs. Et de manière totalement imprévisible, je suis devenu suspect dans une affaire, parce que la première intrigue que j’avais écrite ressemblait beaucoup à un cas sur lequel ils enquêtaient. Après cette expérience un peu traumatisante, j’ai renoncé à les consulter, mais les erreurs se sont multipliées. C’est alors que j’ai rencontré un détective, avec lequel je suis devenu ami. Il m’a aidé à rendre mes livres plus réalistes, et m’a confirmé que Rébus devait prendre sa retraite à 60 ans. Je n’avais plus le choix, puisque j’avais pris la décision de suivre la vraie vie: il boit dans de vrais bars, il vit à une vraie adresse. Je ne pouvais pas tout d’un coup l’empêcher de vieillir.

N’avez-vous pas été tenté de tricher?

Dans mon prochain roman, il revient comme consultant dans une unité de « cold cases », avec trois détectives retraités (cette unité existe vraiment). Et comme l’âge de la retraite vient de changer en Ecosse, je peux le réembaucher pour quelques années! Il va collaborer avec Fox, mon nouveau héros.

Drôle d’idée d’avoir recommencé une nouvelle série, non?

Je me suis d’abord senti effectivement soulagé, libéré. Cela me donnait la liberté d’essayer d’autres histoires. Un opéra, un scénario, des chansons pour un groupe rock. Mais ce qui m’intéresse, ce sont la politique, la corruption, la société. Et pour cela, il fallait que je continue à écrire des histoires policières, parce que c’est un bon moyen d’explorer ces domaines. Cette nouvelle série qui met en scène la police des polices représentait un challenge pour moi. Il ne fallait pas que Malcolm Fox soit une tête brûlée, afin qu’il puisse travailler en équipe. Mais par ailleurs, comme il est chargé d’enquêter sur ses collègues, il est haï. Comment réussir à le rendre sympathique?

Un personnage récurrent, est-ce une contrainte ou une facilité?

Les deux. Par exemple, Fox n’a que très peu de marge de manœuvre. Il n’a pas le droit d’enquêter sur une affaire, mais uniquement sur le comportement des autres policiers. En revanche, dans une série, on a des milliers pages pour explorer les personnages.  

Combien de livres allez-vous écrire avec Malcolm Fox comme héros?

Aucune idée. C’est peut-être risqué, mais je ne suis pas devenu écrivain pour savoir ce que je vais faire demain. Chaque livre représente un nouveau challenge.

Comment décririez-vous le personnage de Fox?

Contrairement à Rebus, il ne boit pas, se sent plus proche de sa famille et aime être avec ses collèges. Rebus est une créature solitaire. Fox, lui, apprécie l’amitié, l’amour (s’il trouvait la femme qui lui faut). Mais il est plus facile pour moi que le détective puisse vivre seul, car cela lui permet de se concentrer sur l’histoire.

Imaginez-vous situer vos histoires ailleurs qu’en Ecosse?

Probablement pas. Je ne connais aucun autre pays aussi bien. L’Ecosse est fascinante, complexe, petite (5 millions de personnes). Ses relations avec l’Angleterre sont intéressantes. Les dialectes, les humeurs, les philosophies sont différents entre l’East Coast et la West Coast.

N’avez-vous jamais connu de panne d’inspiration? 

Il y en a un que je n’ai pas terminé, parce que l’histoire était tellement complète dans ma tête, que je n’avais plus besoin de l’écrire. Je connaissais le début, le milieu et la fin. Alors que d’habitude, lorsque je commence un nouveau manuscrit, je n’ai aucune idée du reste du livre. J’ai un crime, c’est tout. Je ne sais pas qui est le meurtrier. Et il faut que j’attende la fin de ma première version, pour connaître le coupable! Dans mon dernier roman qui vient d’être publié au Royaume Uni, j’ai su seulement 20 pages avant la chute quel était le meurtrier.

Quel est votre point de départ en général?

J’ai un gros dossier plein d’articles de journaux. Et quand il est temps de commencer un nouveau roman, je l’ouvre. Pour « Les Guetteurs », j’avais lu qu’un avocat, qui défendait un groupe d’indépendantistes écossais, avait été trouvé mort dans sa voiture en 1985. On supposait qu’il s’était suicidé. Le livre est moitié réalité, moitié fiction.

Comment travaillez-vous?

J’écris une première version très rapidement, en 40 jours, mais cela ressemble à un ébauche d’artiste. Est-ce que l’intrigue fonctionne? Ensuite, j’effectue des recherches pour combler les vides et répondre aux questions qui se posent. Enfin, je peaufine les personnages, je leur donne de la couleur, avant de montrer le texte à ma femme. Elle me donne des conseils. Que je suis. Si elle éprouve des doutes, je modifie ce qui la gêne avant d’envoyer mon texte à l’éditeur.

 Lisez-vous des romans policiers?

Beaucoup. Parce que j’aime ça, mais aussi parce que j’ai besoin de savoir ce que mes amis (et néanmoins concurrents) écrivent! Il y a une jeune génération, excellente, que je lis pour savoir comment améliorer mes propres livres.

 

 
 
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