Ce qu'elle ne m'a pas dit
Isabelle Bary

Editions Luce Wilquin
smeraldine
septembre 2016
256 p.
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
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coup de coeur nuit blanche

coup de coeur

Marie est une belle blonde quadra aux yeux bleus, elle est mariée à Alex Fransolet. Leur fille Nola est une belle brune aux yeux noirs. C’est troublant, on dirait Barbie et Blanche Neige. C’est une famille bourgeoise d’aujourd’hui avec une ado un peu rebelle. Marie a été élevée par sa grand-mère Mamysuzy, elle avait trois ans lorsque ses parents sont morts dans un accident. C’est peu après le décès de sa grand-mère, juste après la naissance de Nola il y a seize ans, qu’elle a reçu un dossier bleu contenant deux cahiers … qui lui révélerait ses origines et l’accident de ses parents. Elle a lu le premier et découvert que son père était d’origine amérindienne. Elle n’a pas eu la force de lire le second intitulé « l’accident ». Un passé trop lourd, qu’elle a enfoui dans un de ses tiroirs, reportant toujours le moment de connaître la vérité. Ne pas savoir, garder le secret… mais ce dossier la rongeait. Nola a toujours connu ses origines INNUS, mais en grandissant elle éprouvait le besoin d’en savoir plus sur Lily et Maïkan, ses grands-parents. Un jour, Marie l’a surprise par hasard dans une conversation chat avec Jeronimo, un INNU vivant au Canada. Nola faisait sa petite enquête et voulait savoir. Plus possible pour Marie de reporter la vérité. Mère et fille se sont parlées. Marie allait lire ce cahier mais voulait prendre le temps d’apprivoiser son histoire, petit à petit elle partagerait avec sa fille, tentant ainsi de se rapprocher et retrouver cette complicité perdue. Ce cahier transcrit en italique dans le roman est le témoignage de Mamysuzy, son enquête sur l’accident. Qu’est-il réellement arrivé à Lily et Maïkan en 1971 ? Maïkan a des origines « innu », c’est l’occasion d’en apprendre plus sur ces amérindiens qui peuplaient une partie du Canada jadis. Ils vivaient près de la nature, trappeurs dans les années vingt. Une minorité qui a perdu ses terres et ses droits car l’homme blanc a tout fait pour les « désindianiser », pour leur faire perdre leurs traditions, leurs croyances et même leur langue. Ils ont souffert, été malmenés, victimes du racisme. Difficile de leur donner une place dans la société. Alors lorsqu’un métis et sa douce retournent au pays, près du Lac St Jean pour connaître leurs origines et défendre la culture innu, cela ne plaît pas forcément. Le secret de famille est distillé savamment tout au long de ce roman choral où Marie, Alex et Nola nous partagent leur ressenti. L’écriture est intelligente, vive, dynamique. Ce secret de famille nous est peu à peu présenté comme un thriller, la tension monte peu à peu , on en a le souffle coupé, on veut savoir. Cela fonctionne très bien, l’intrigue est bien menée. La seconde partie se lit d’une traite, vous avez compris j’ai adoré, un joli coup de cœur de la rentrée. Les jolies phrases Pour savoir qui on est, maman on doit savoir d’où on vient. Ça vaut quoi une vie, Marie, si on ne peut même pas la raconter ? Je ne veux pas apprendre qui je suis en une nuit. On met des années à faire ça avec les enfants. Désormais, ces silences sont comme des lames de rasoir qui cherchent à m’entailler la peau et, pour me défendre, je les utilise en retour. Pour Marie, se voiler la face était le seul moyen de nous (Nola, elle et moi) préserver de l’impensable, mais en réalité nous n’étions préservés que d’une chose : la vérité. Les chandails sont décidément trop petits pour abriter la douleur des gens trahis. Le mien me serrait si fort, je l’ai enlevé comme on ôte une pelure. Marie, ne pas savoir qu’on ne sait pas est une chose. Savoir qu’on ne sait pas est insupportable. Ne plus avoir le choix, être privée de cette liberté de décider de savoir ou pas me débarrassait d’un poids. J’ai compris alors que ce jour serait celui d’une délivrance, celui de la fin d’une légende et de sa suite de contraintes, d’artifices et de faux-semblants. Ce n’est pas la réalité qui cause nos pires cauchemars, mais l’écart qui sépare cette réalité de la fièvre de notre imaginaire. Il fallait que tout le monde retrouve sa place. Et avoir sa place, ce n’est pas que géographique, c’est aussi exister dans le regard de l’autre. Il ne fallait pas que nous cessions d’exister.

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