René Goscinny Au-delà du rire
Collectif

Hazan
catalogues d'ex
septembre 2017
240 p.  35 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Sérieusement drôle

40 ans après sa mort d’un humour noir, une crise cardiaque lors d’un test d’effort chez son cardiologue, René Goscinny entre au musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme pour une rétrospective. Des originaux de scénarios, un grand nombre de planches signées Uderzo, Franquin ou Jigé l’accompagnent. Beaucoup de documents inédits extraits des archives familiales célèbrent celui qui réconcilia culture savante et populaire. L’exposition s’ouvre avec un magnifique bureau posé au centre de la pièce, sur lequel trône un outil de travail, une machine à écrire de marque Royal, le modèle Keystone.

Il naît à Paris en 1926, au sein d’une famille juive d’origine polonaise. Les Goscinny rejoignent Buenos Aires un an plus tard lorsque le père entre en fonction auprès de la « Jewish Colonization Association ». Le fils suit l’enseignement classique du Lycée français. Dès août 1940, Stanislas Goscinny adhère au comité de Gaulle, René caricature les principaux responsables du moment (Mussolini, Staline, etc.). En 1945, à peine bachelier, il gagne New York, travaille dans l’illustration, rencontre le dessinateur belge Joseph Gillain, qui lui présente Morris, auteur débutant une série intitulée « Lucky Luke ».

Le scénariste professionnel

En 1951, il découvre Paris. Employé à l’agence World Press, il sympathise avec Albert Uderzo. Leur duo débouche sur la création de « Oumpah-Pah ». Et puis Morris lui demande de scénariser « Lucky Luke ». Le « poor lonesome cow-boy » devient « l’homme qui tire plus vite que son ombre ». Leur tandem préfigure une vision professionnelle de la réalisation d’ouvrage de bande dessinée. En 1956, Goscinny défend les droits des auteurs avec le scénariste Jean-Michel Charlier. Licencié de la World Press, il intègre le « Journal de Tintin », où il relance « Oumpah-Pah ». Dans un registre graphique différent, il partage des souvenirs personnels avec Jean-Jacques Sempé sous la forme de feuilleton illustré dans « Les aventures du Petit Nicolas ». Avec Jean Tabary, Goscinny popularise la volonté de « devenir calife à la place du calife » dans « Iznogoud, grand vizir du calife Haroun El-Poussah » (1962). Pas encore rassasié, le lancement du magazine « Pilote » lui permet de présenter « Astérix ». Le petit gaulois s’empare alors de l’histoire de France pour mieux la parodier.

Pilote, « le grand magazine illustré des jeunes »

« Pilote », un hebdomadaire associant bande dessinée et actualité, a été créé en 1959 par Goscinny, Charlier, Uderzo et quelques autres, Devenu rédacteur en chef, Goscinny engage la génération des baby boomers : Gotlib, Fred, Bretécher, Reiser, Druillet, Giraud « Moebius », Christin, Mézières, jusqu’aux jeunes Bilal et Tardi. Après les turbulences faisant écho aux mouvements de mai 1968, Goscinny prend du recul. Dorénavant, la bande dessinée pour adultes est bien installée.

Pascal Ory a présenté une biographie complète de ce mouvement, « La liberté d’en rire », chez Perrin en 2007. Le catalogue d’exposition reprend l’ensemble du chemin évoqué ci-dessus. De tendres photos de la prime enfance à la caricature de la famille nazie, l’original du bac, option philo, des photos regroupant diverses personnalités rencontrées à New York, ses courriers administratifs, et surtout une quantité de planches originales impressionnante, nombre de témoignages maintenant historiques.

Bercé de culture juive, éduqué en Argentine, faisant ses classes à New York, Goscinny a contribué par son œuvre artistique et ses desseins économiques, au passage d’un divertissement à destination de l’enfance vers « le neuvième art » en proposant une vision synthétique et tendrement caricaturale de la France des Trente Glorieuses.

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