Violette Morris - A abattre par tous moyens (tome 2)
Javi Rey, Bertrand Galic, Kris, Marie-Jo Bonnet

futuropolis
albums
octobre 2019
66 p.  16 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

La femme à abattre

«Le marquage, bordel ! » Elle jure comme un charretier quand elle joue au football, se décrit comme un bulldozer, déteste être enfermée dans des carcans (féminité, rôle social de l’épouse), se bat contre ceux qui aimeraient la réduire à son genre… Elle, c’est Violette Morris. De retour chez Futuropolis pour ce nouvel album (« Deuxième comparution », un an après la parution du tome 1) et c’est peu dire que son histoire continue d’enthousiasmer. Quel personnage, controversé, scandaleux, complexe… les zones d’ombre de Violette Morris lui valurent une fin tragique, abattue par des maquisards le 26 avril 1944. Les talents de l’historienne Marie-Jo Bonnet, du duo de scénaristes Kris et Bertrand Galic et la patte de Javi Rey, son dynamisme, rendent grâce à cette femme hors norme. L’histoire est racontée avec de nombreux flashbacks, comme dans le livre précédent.

Violette est l’une des sportives les plus titrées au monde, ayant battu ses homologues masculins lors d’un mythique Bol d’Or en 1927, dingue de sports mécaniques (univers où elle sera moins en butte à la misogynie que dans les autres sports).  Pour se débarrasser d’une poitrine qui l’embarrasse, la jeune femme n’hésite pas à subir une mastectomie en 1929.  Mariée, elle s’affiche aussi avec des femmes, finit par divordcer dans cet épisode, et s’affirme dans une masculinité de plus en plus revendiquée. Les planches qui détaillent sa vie de championne hors norme, de sportive multi-casquettes, la montrent clope au bec, impudique parfois, car revendiquant une virilité de fait, un comportement de garçon manqué.

Le rappel de sa fin tragique comme son appartenance à la Gestapo sont abordés par l’enquêtrice Lucie Blumenthal qui, comme dans le premier épisode, sillonne l’Eure à vélo avec son chat Gaspard pour comprendre ce qui a bien pu se passer lors de cette fusillade où Violette Morris a péri avec d’autres collaborateurs. Une mise en perspective nécessaire, pour mieux souligner les soubresauts de la société française entre les deux guerres.

Rien n’est oublié dans ces pages. Ni la tragédie de l’Holocauste et la déportation de millions de juifs, à l’image du père médecin de Lucie, ni les difficultés des femmes à s’exprimer sur les terrains de sports. Ni les obstacles rencontrés par Violette pour vivre comme elle l’entendait. Pour démêler l’inextricable écheveau des prises de position de cette héroïne complexe, il faudra attendre un 3e tome, même si les pages de l’historienne Marie-Jo Bonnet qui clôturent cette BD prolongent ce portrait d’une femme puissante. Et nous pousse à nous interroger : Violette Morris était-elle cet agent de la Gestapo « à abattre par tous moyens », ou l’Histoire est-elle plus complexe ? Patience!

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