critique de "Palmyre, l'irremplaçable trésor", dernier livre de Paul Veyne - onlalu
   
 
 
 
 

Palmyre, l'irremplaçable trésor
Paul Veyne

ALBIN MICHEL
scien.humaines
octobre 2015
144 p.  14,50 €
 
 
 
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Palmyre

C’est un beau chant de deuil et de colère que Paul Veyne nous donne dans son dernier livre. Ce livre est dédié à Khaled al-Assad, archéologue, directeur général des Antiquités de Palmyre, assassiné pour s’être intéressé aux idoles. Palmyre « actuelle victime de la barbarie terroriste », Veyne la connaît comme s’il y avait toujours vécu, il en connaît chaque pierre, chaque monument, chaque portrait. Pour nous, il se fait guide touristique dans une ville qui n ‘existe presque plus, dont la folie destructrice de Daesh met en scène la ruine ; il évoque sa splendeur et son histoire et, grâce à lui, nous comprenons mieux ce que ces fous ont voulu faire disparaître – en sont-ils conscients ou non, la question mérite d’être posée. Ont-ils la culture nécessaire pour seulement s’intéresser à d’autres cultures que la leur ? ou ne connaissent-ils – et encore mal – que le visage de l’Islam qu’ils veulent imposer, renvoyant dans les ténèbres de leur haine ce qui a précédé l’islam – les idoles – comme les autres cultures contemporaines – le christianisme – ?

Palmyre fut une cité marchande prospère par où passait une partie du commerce entre l’Empire romain et la Perse et les plus lointains orients. Sa richesse se voit au nombre et la splendeur de ses monuments : « ostentatoires, dit Veyne, temples funéraires, hypogées ou tours rectangulaires à étages ». Le voyageur est déjà en Orient tout en étant encore dans l’Empire – on y parle l’araméen (la langue du Christ) qui est, à l’époque, aussi répandu que le grec -, on y croise des populations nomades arabes qui campent aux abords de la ville et les notables ont adopté le mode de vie gréco-romaine, tout en conservant certains traits de leur culture propre. Palmyre est accueillante à la diversité, qu’elle soit ethnique ou religieuse.
Dans les années agitées des deuxième et troisième siècles de notre ère, Palmyre va jouer un rôle politique important dans l’histoire de l’Empire. Veyne évoque l’histoire de Zénobie qui rêva d’aller se faire reconnaître impératrice à Rome, après avoir montré sa puissance militaire en défendant l’Empire contre les razzias perses.
Palmyre « détient un record en matière de richesse du mélange ; on a beau parcourir des yeux la carte d l’Empire, on ne voit pas où auraient pu se rencontrer un plus grand nombre d’influences : la vieille Mésopotamie, l’antique Syrie araméenne, la Phénicie, un peu de Perse, davantage d’Arabie ; brochant sur le tout, la culture grecque et le cadre politique romain. » Et c’est bien tout ce que l’islamisme peut détester, le « multiculturalisme ». S’il y a une qualité de l’Occident, pense Veyne, c’est sa passion pour les autres cultures et le culte qu’il peut vouer aux oeuvres d’art venues d’autres cultures « ne connaître, ne vouloir connaître qu’une seule culture, la sienne, c’est se condamner à vivre sous un éteignoir. » Une conclusion qui résonne tragiquement en cette période de tueries aveugles et de montée, en Europe, d’une idéologie qui est, en miroir, celle de la haine de l’autre.
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