Des écrivains imaginés
Cécile Villaume

Le Dilettante
mai 2019
224 p.  17,50 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Petite anthologie officieuse de la littérature

Dans ce premier livre réjouissant, drôle et érudit à la fois, Cécile Villaumé déboulonne les statues des écrivains. Avec une plume enlevée, elle dépoussière les portraits d’auteurs pour faire une satire du monde des lettres. C’est un vrai bonheur que de se plonger dans l’intimité de ces figures qui font l’objet des chroniques de cette petite anthologie littéraire impertinente, subtile et mordante, contre la bêtise d’hier et d’aujourd’hui.

Ils sont quinze élus, de Charles d’Orléans à Marguerite Duras, en passant par Mallarmé, Colette ou Conan Doyle, unanimement reconnus par la critique et les institutions. Très documenté, cet essai en forme de saynètes raconte un moment, une situation où le « grantécrivain » est un homme ou une femme comme les autres, avec ses travers, ses défauts, ses ridicules. Ainsi, on trouvera le poète Charles d’Orléans, finances en berne, sollicité par les membres du conseil pour payer des toilettes à une illuminée du nom de Jeanne d’Arc (dont il n’a jamais entendu parler) qui doit rencontrer le roi Charles VII, et qu’il prend pour une « catin ». Plus loin, de nos jours, une professeure d’université est invitée à un colloque montréalais pour parler de son auteure de prédilection, Antoinette Deshoulières, femme de lettres du 17esiècle, dont les pastorales et autres églogues n’intéressent personne, mais que notre spécialiste réinterprète jusqu’à l’anachronisme stupide pour en faire une révolutionnaire féministe Mitou engagée avant l’heure ! Il en est un autre, à tirer parti d’un auteur par opportunisme, c’est le responsable du patrimoine de L’Ailette-sur-Doubs, chargé de trouver un écrivain en lien avec sa ville pour la redynamiser avec un festival littéraire. A force de chercher, il trouvera : au diable l’exactitude et vive le tourisme culturel ! Ne passons pas à côté non plus de Dostoïevski, témoin inspiré malgré lui d’un crime sordide, ou de Paul Morand qui, avec force détails macabres, entre la poire et le fromage, raconte à ses distingués invités Jouhandeau, Cocteau, Giraudoux (excusez du peu) l’incendie du Bazar de la Charité auquel il assista enfant. On ne résiste pas à la petite Françoise Dolto, mal-aimée par sa mère et fascinée par les pensionnaires voisins de l’asile du fameux docteur Blanche. Enfin, la Duras, pythie des lettres françaises, fera scandale après son article très/trop durassien sur l’affaire Grégory où Christine Villemin, qu’elle n’a jamais rencontrée, devient une Médée coupable et « forcément sublime ». Retenons bien ce nom : Cécile Villaumé est une auteure de talent.

 

partagez cette critique
partage par email