Les cancres se déchaînent
Raymond Milési

Archipel
mars 2015
250 p.
 
 
 
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coup de coeur

Y pas que les cancres…

Vous allez me dire : « encore un n-ième listing des perles d’élèves », « encore une n-ième compilation facile de bons mots estudiantins dont on ne sait pas trop s’ils sont inventés ou non » ! Ben non… soyez attentifs, sortez de votre torpeur dans laquelle la proximité avec le radiateur du fond de la classe vous a plongée, Raymond Milési ne s’est pas contenté de faire une liste.

Déjà, les bons mots, les maladresses, les erreurs, les bêtises, les âneries, les approximations, brefs toutes les citations partagées avec nous par Raymond Milési sont tirées de sa propre expérience de professeur des collèges.

Ensuite, plutôt que de faire un n-ième best-off un peu soporiphique à la longue, Raymond Milési met tout cela en forme, en structurant un propos autour de la figure du cancre dont on sent bien qu’il emporte auprès de l’auteur une certaine dose de paternalisme, d’amour filial, de considération et de tendresse. Que serait le bon professeur sans son premier de la classe ? Mais que serait ce même professeur sans son cancre ?

Le cancre se décline sur plusieurs thèmes, terreaux favorables à ses extravagances linguistiques, à ses frasques culturelles : le professeur absent (« un bon professeur est un professeur absent »), le silence (ou sa variante beaucoup plus courante : le bavardage), l’alimentation (le cancre mange de tout, c’est même à ça qu’on le reconnait), les couloirs, la récréation, la triche, les goûts et les couleurs (il s’agit là d’aborder entre autre l’épineux problème de look négligé et par là-même totalement calculé des élèves), les cartables (si tant est que l’auteur eut traité dans son livre des femmes et pas des cancres, sans toutefois que les deux sujets soient incompatibles, ce chapitre s’eut intitulé « le sac à main », l’image est saisissante), les performances… et Raymond Milési les fouille, les triture pour mieux les agrémenter de ses propres anecdotes et de ses propres extraits de copies et autres interrogations orales.

Il serait vain de vouloir en choisir quelques-uns plus représentatifs les uns que les autres. Ils provoquent tout à la fois chez le lecteur des sentiments ambivalents mêlés de rire, de stupeur, de consternation.

Voilà en tout cas un livre amusant, écrit dans un style alerte et joyeux où les bons mots et jolies tournures de Raymond Milési le disputent à ceux et celles de ses anciens élèves.

Enfin, force est de constater qu’il y a des traces de cancres en chacun de nous même chez les plus assidus et attentifs des élèves, même chez les anciens professeurs. La preuve, j’en ai trouvées chez Raymond Milési… Celui-ci, dans un chapitre consacré aux bavardages incessants et intempestifs, dresse une cartographie soi-disant exhaustive des catégories de bavards, héritée d’une longue et foisonnante expérience personnelle que je ne remets pas en cause, mais je vous la livre tel quel, je vous laisse refaire les calculs mais mon petit doigt, aidé par mon super cerveau calculateur, me dit qu’il en manque :
• Les « muets » qui représentent allègrement 0,001 % de la population estudiantine
• Les « parleurs quoi qu’il arrive » composés d’environ 39,99 % de la population
• Les « suspenseurs » complétant à hauteur de 60 % la population collégienne
Vous auriez beau jeu de me répondre que Raymond Milési n’enseignait pas les mathématiques, je vous rétorquerai, avec un clin d’œil complice et malicieux, qu’on doit être là sur du programme fin primaire début collège (en CE2, de nos jours, on n’apprend pas encore les virgules) et qu’on peut toujours vérifier à l’aide d’une calculatrice…

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