Municipales - banlieue naufragée
Didier Daeninckx

Gallimard
Tracts
février 2020
48 p.  3,90 €
ebook avec DRM 3,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une époque révolue

Aubervilliers, Bagnolet, Bobigny, St Denis, Noisy-le-sec, les villes rouges de sa jeunesse et de (presque) toute sa vie d’adulte ne sont plus…Ou, plus exactement, l’esprit d’entraide, d’effervescence qui régnait dans ces quartiers populaires, ouvriers, n’y est plus pour Didier Daeninckx. Et c’est peu de dire que cela chagrine l’auteur septuagénaire.

Il ne compte plus le nombre d’années passées à dénoncer ou à interpeler les élus. Ce qui a transformé son eden ouvrier, construit sur le terreau d’une culture accessible à tous, d’une élévation d’esprit puisant sa force dans une solidarité de classes sociales en un magma où communautarisme, grand banditisme et corruption semblent avoir plus droit de cité que partout ailleurs dans l’hexagone peut paraître daté. Ces constats, amers, Daeninckx les avait déjà utilisés dans son dernier roman (« Artana ! Artana ! », également chez Gallimard). Certains, à l’époque, trouvaient que l’auteur avait mis le temps, à ne plus avoir les yeux de Chimène pour sa banlieue rouge. Mais lorsque des voyous, condamnés, se retrouvent en tête de services administratifs, que des fonctionnaires municipaux sont placardisés et forcés de laisser leurs postes pour cause de clientélisme et de renvois d’ascenseurs, que votre aura d’écrivain et votre légitimité d’enfant de ce terroir ouvrier communiste ne vous protègent plus des agressions, il est temps de partir.

De quitter le 93 pour le 94 voisin, plus calme…mais pas trop loin non plus de ses racines. Et pas sans explication. Alors, peut-être, oui, les moins de trente ans trouveront à ce « tract » des accents d’ancien combattant, de râleur patenté, d’aveugle recouvrant la vue après de nombreuses années d’aveuglement affectif…qu’importe. Il y a toujours une phrase qui claque, façon punchline, une idée qui vaut débat, une réflexion qui infusera… Il n’est pas tant question de nostalgie ou de vieux bonhomme qui lutte contre la rancitude qui a envahi sa banlieue que d’un constat sur une époque révolue où la culture, l’engagement politique avaient un autre poids.

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