Tu t'appelais Maria Schneider
Vanessa Schneider

Grasset
litterature fra
août 2018
256 p.  19 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Dernière danse

Lorsqu’elle était enfant, Vanessa débordait d’admiration pour sa grande cousine Maria. Maria était belle, Maria était imprévisible et Maria était célèbre. Mais Maria était aussi profondément malheureuse, névrosée, mal dans sa peau. C’est ce personnage complexe que la journaliste Vanessa Schneider décrit aujourd’hui dans un portrait tout en nuances et en sensibilité, avec à la fois distance et empathie.

Avant de devenir un personnage public, Maria Schneider était déjà bien abîmée par des parents, eux-mêmes sacrément déséquilibrés. Une mère qui ne la supporte pas, un père, Daniel Gélin, qui refuse de la reconaître tout en paradant à son bras… Toutes les planches sont savonnées pour accélérer la chute. Le coup final lui sera assené par un metteur en scène sans scrupule, prêt à tout pour arriver à ses fins, c’est-à-dire au film dont il imaginait qu’il ferait date. Sur ce dernier point, il ne s’est pas trompé.

Fascinée par son père – on a oublié à quel point Daniel Gélin était une star à l’époque – la jeune femme est prête à tout pour faire du cinéma. Lorsqu’elle est repérée par Bernardo Bertolucci pour devenir la partenaire d’un Marlon Brando décati dans un film intitulé « Dernier tango à Paris », elle n’hésite pas. Elle aurait dû. Le tournage vire à l’enfer. Interviews, portraits ont rendu compte de cette fameuse scène de sodomie inexistante dans le scénario et dont elle ignorait tout. Une scène devenue mythique mais ravageuse, et qu’elle comparera plus tard, à juste titre, à un viol. Le lendemain de la sortie du film, tout le monde ne parle plus que de l’épisode du beurre et Maria ne peut plus sortir dans la rue sans devenir la cible d’une attraction agressive ou moqueuse, rarement bienveillante.

A travers la tragique trajectoire de Maria, c’est toute la famille Schneider que Vanessa évoque. Des enfants illégitimes un peu partout, des mensonges ,des révélations et au bout du compte beaucoup d’âmes blessées. Vanessa, elle, semble s’en être bien sortie. Elle est écrivain et reporter au journal « Le Monde ». Elle raconte les histoires des autres et parfois un peu la sienne. Comme dans ce récit où elle apparaît en ombre chinoise de Maria, comme une compagne des bons et des mauvais jours. Et le témoin d’une vie fracassée.

 

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Tu t’appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider

Elle était belle, non, plus que cela : superbe avec ses cheveux bruns et tout le monde se retournait sur son passage. C’est sa cousine, Vanessa Schneider qui a écrit « Tu t’appelais Maria Schneider »sur cette actrice française, un monstre du cinéma dans les années soixante-dix, décédée trop tôt, à 58 ans en 2011.
Vanessa écrit : « Ce livre est pour toi, Maria. Je ne sais pas si c’est le récit que tu aurais voulu, mais c’est le roman que j’ai voulu écrire. » Ainsi que ces paroles de toi : « J’ai eu une belle vie. » Puis :
« Tu as glissé sur cette phrase comme un doigt fatigué se promène sur une panne de velours avec un sourire doux et le regard envolé vers des souvenirs heureux. C’était quelques jours avant ta mort. » (p.7)

Dans cet ouvrage, Vanessa s’adresse à sa tante Maria, dans un récit émouvant, un livre qu’elles auraient aimé écrire ensemble mais le destin en a voulu autrement.
Maria était mal aimée de sa mère, elle gênait entre ses frères, mais elle a appris tout de même que son père était Daniel Gélin qui n’a pas pu la reconnaître car il était marié. Elle finit tout de même par le rencontrer et il l’emmène sur des plateaux de tournage où elle fait la connaissance de comédiens ainsi que de metteurs en scène ou de réalisateurs qui ne sont pas indifférents à son physique avantageux. C’est qu’elle est tellement belle !
Pendant ces années soixante-dix, toute jeune, elle commence à faire des figurations grâce à Alain Delon et elle va même vivre quelque temps chez Brigitte Bardot qui restera son amie jusqu’à la fin.

Mais voilà qu’à peine à l’âge de dix-neuf ans, Bernardo Bertolucci lui propose un rôle dans « Dernier Tango à Paris » avec l’immense séducteur Marlon Brando. Un film scandaleux à cette époque, qui va être lourd de conséquences pour Maria car elle va subir des insultes et se révéler une source d’humiliations pour elle. D’ailleurs le film (sorti en 1972, « ne passe pas la censure et se retrouve classé « interdit aux moins de 18 ans », un visa qui déchaîne la curiosité. Il devient immédiatement objet de scandale. » (p.60).
Il va rester un fardeau pour Maria durant toute sa vie, lui coller à la peau. Mais cela ne l’a pas empêchée de rester en contact avec Marlon, « ils n’avaient jamais rompu le fil » (on l’apprendra par surprise car personne ne le savait).

Vanessa Schneider rend un bel hommage à Maria dans un style épuré, des phrases courtes mais qui touchent. Elle nous fait part de toutes ses belles rencontres artistiques, elle le sex-symbol involontaire mais aussi de ses excès d’alcool, de drogue, de sa lente descente aux enfers.
Parmi ces rencontres, il est à remarquer celle qu’elle a eue avec Patti Smith dont l’auteure dit «
« Je ne connais pas particulièrement l’œuvre de Patti Smith, si ce n’est quelques morceaux devenus cultes et le sublime Just Kids qui raconte ces années-là. (…) Au détour d’une interview à propos de son dernier album Banga, je découvre qu’elle a composé pour toi un poème chanté, un adieu doux et mélancolique avec des riffs de guitare que tu aurais adorés. La chanson s’appelle Maria, simplement Maria. Patti Smith l’a écrite au lendemain de ta mort. » (p.190). Elles s’étaient rencontrées dans un restaurant où Patti était venue au-devant de Maria, tout intimidée devant tant d’honneur.

Vanessa, grand reporter et écrivaine à succès, avec toute cette énumération des personnages ayant connu Maria, reconnaît son destin tragique et son désir de retrouver l’amour d’un père. Cette « femme trop belle, punie pour ses audaces et ses mauvais choix » avait trouvé en la personne de Brigitte Bardot une amitié tellement fidèle que celle-ci avait tenu à prendre en charge tous les frais des obsèques – un beau geste d’une autre sex-symbol considérée elle aussi comme une femme-objet de désir, seulement jugée sur son physique.

C’est ainsi que Maria a sombré petit à petit, avec parfois quelques moments d’espoir, mais la fin est inéluctable avec la maladie qu’elle endure de façon héroïque.
Avec ce roman où les faits sont très précis, Vanessa nous offre un beau témoignage d’amour et d’admiration pour Maria – un beau récit sur une famille, sur une femme qui voulait rester libre de ses choix pendant ces années soixante-dix. Il y est également question d’événements politiques avec la gauche qui est en passe de prendre le pouvoir – la mort de Mao, Le Grand Timonier …

Encore un beau livre bien complet mais qui se lit très rapidement pour cette rentrée littéraire 2018.

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histoire de famille

Ce roman poignant nous parle de Maria Schneider, étoile anéantie par le monde impitoyable du cinéma mais également par la drogue et cette peur insidieuse au fond d’elle de ne pas être à la hauteur de quelque chose que jamais, probablement, elle ne put comprendre. Mais, le roman présente également les autres membres de la famille avec ce qu’elle a – consciemment ou inconsciemment – engendré de malaises au cours des générations. C’est un beau texte, écrit et lu avec émotion, un portrait habile qui ne peut laisser son lecteur indifférent. Un texte touchant qui donne envie de revoir quelques films de Maria et d’en oublier d’autres.

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