Ici et maintenant : Correspondance 2008-2011
Paul Auster, J.M. Coetzee

Leméac
octobre 2013
314 p.  23 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
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Avenue de deux géants.

Deux écrivains contemporains célèbres, l’Américain Paul Auster et le Sud-Africain John-Maxwell Coetzee font connaissance en 2008 lors d’un festival littéraire. De là naît une amitié qui se poursuit à l’occasion d’autres rencontres sporadiques mais surtout d’un échange épistolaire par-delà des océans, que tous deux nous font partager en publiant une correspondance qui s’étend sur trois ans.

Cette relation épistolaire commence sur un ton un peu embarrassé, avec quelques « lettres d’échauffement » où chacun donne sa justification au projet : qu’est-ce que l’amitié ? Comment naît-elle et qu’est-ce qui la nourrit ? Paul Auster et John Coetzee découvrent avec bonheur que ce sentiment peut naître tardivement, que les coups de foudre amicaux existent, érigés sur le socle d’une admiration réciproque. Peu à peu les sujets de conversation se diversifient, toujours dans un esprit d’émulation, l’un répondant à l’autre après réflexion, parfois des semaines plus tard, s’attribuant cette liberté et ce confort car leurs échanges ne sont contraints ni par le temps ni par la forme, le New Yorkais préférant le fax tandis que son interlocuteur est adepte du courrier électronique. Au-delà de leurs différences, ce sont deux hommes de notre temps qui s’interrogent sur les valeurs et les enjeux économiques et politiques de la société occidentale globalisée qu’ils partagent, pourtant aux antipodes géographiques l’un de l’autre, mais citoyens du monde. Ils éprouvent un profond désir de se connaître, mais sans jamais franchir les limites de l’indiscrétion, et si le pessimisme l’emporte souvent, il n’empêche jamais la réflexion, toujours assortie d’humour.
Ce sont tous deux des écrivains confirmés, et c’est dans ce domaine que leurs lettres sont captivantes, car on y trouve leurs doutes, leurs remises en question sur ce métier si particulier qu’est l’activité d’écriture, mais aussi une curiosité bienveillante à l’égard de l’autre. Se dessine ainsi le portrait de deux écrivains au travail, qui diffèrent dans leur rapport à l’imagination, à l’élaboration d’un roman en cours, et l’on s’amuse avec eux de leur perplexité ou de leur distance vis-à-vis de la critique. On y trouve ces petites révélations piquantes pour les lecteurs que nous sommes : Paul Auster fait part de ses rituels, quand John Coetzee laisse davantage de place à l’improvisation, au détachement. On se délecte d’entrer dans le studio de Brooklyn de Paul Auster, de l’imaginer écrivant sur sa légendaire machine à écrire. Au fil du temps, les lettres deviennent plus personnelles. Auster et Coetzee deviennent deux vieux amis, taraudés tous deux par la vieillesse qui guette, glissant çà et là quelques anecdotes sur leur santé et leur vie de famille.

Cette amitié qui se construit par la seule volonté de créer un lien toujours plus solide, devient plus complice, fraternelle, intime, et pourtant n’exclut jamais le lecteur, l’invitant à réfléchir de son côté aux sujets abordés par deux grands écrivains qui ne se prennent jamais vraiment au sérieux.

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