Erhard Loretan : Une vie suspendue
Charlie Buffet

Guérin
mai 2013
235 p.  24 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une vie suspendue

Quand, le 28 avril 2011, les médias annoncent la mort d’Erhard Loretan, tombé avec Xenia Minder, sa compagne d’alors, au Grünhorn, un quatre mille réputé facile, le monde de la montagne, ému, s’interroge : comment un homme aussi doué a-t-il pu chuter là le jour de son anniversaire? La réponse n’est évidemment pas dans le très beau livre de Charlie Buffet, écrivain et journaliste spécialisé dans les histoires de montagne. Mais son ouvrage, qui parle bien sûr d’un pan de vie que les fans d’alpinisme connaissent bien (l’enfance de Loretan dans les branches d’un pommier au pied de l’appartement, la découverte des Gastlosen qui deviendront son terrain de jeu, ses quatorze huit mille notamment), relate aussi, à travers des témoignages de proches (il y a Nicole Niquille, qui fut sa compagne pendant dix ans, et sa jumelle Françoise Repond, Renata Loretan, sa mère, Pierre Morand, l’ami de toujours, l’alpiniste Jean Troillet et bien d’autres encore), les dernières années – sombres – du grand alpiniste sorti Major de sa promotion de guide à 21 ans.

Le 23 décembre 2001, un drame épouvantable ternit sa vie. Il est seul dans son chalet de Crésuz avec Evan, son fils âgé de sept mois. Inquiet de ne pas voir revenir sa compagne partie en montagne et stressé par les pleurs de son bébé, il s’énerve et le secoue brièvement. Un quart d’heure plus tard, il remarque que l’enfant est en détresse respiratoire. Héliporté à l’Hôpital de l’Ile à Berne, il meurt le lendemain, victime du syndrome du bébé secoué. Le procureur requiert dix mois de prison avec sursis. Erhard est condamné à quatre mois avec sursis et une amende de mille francs mais son désespoir reste immense.

Quand elle évoque la mort d’Erhard, Nicole Niquille, première femme guide de Suisse, aujourd’hui dans une chaise roulante suite à un accident, dit : « Avec le recul, je ne trouve pas ça dramatique. Bien sûr, pour nous tous qui restons, il laisse un vide incommensurable. Mais il n’aurait pas supporté de vivre plus longtemps. La mort de son bébé a complètement changé sa vie. Il n’était plus le même. »

La dernière nuit du couple ? Elle a été « extraordinairement paisible, harmonieuse ». Au matin, Xenia souhaite son anniversaire à Erhard. Puis, chaudement vêtu, le couple quitte la cabane Finsteraarhorn, un refuge confortable situé à un peu plus de 3 000 mètres d’altitude, pour gravir le Grünhorn. Attachés à la même corde, Xenia et Erhard font une chute d’environ deux cents mètres. Lui mourra, elle survivra.

partagez cette critique
partage par email