Une enfance dans la gueule du loup
Monique Lévi-Strauss

Seuil
août 2014
213 p.  17 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les anti-confidences de Monique Lévi-Strauss

Monique Lévi-Strauss est la femme du célèbre anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss. Non, non, pas d’affolement ! Vous ne saurez rien de leur vie conjugale, et leur rencontre est résumée en quelques lignes avant cette conclusion: « c’est ici que s’arrêtent mes confidences. » Après bien des années d’incertitude, cinquante ans pour être précise, Monique Lévi-Strauss s’est décidé à raconter son enfance. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Parce que « le problème était d’expliquer les raisons qui poussèrent mon père à emmener sa femme et ses deux enfants vivre en Allemagne, à la veille de la guerre. » Indifférence, inconscience? Difficile à déterminer, mais ce séjour a pesé dans les pensées de Monique Lévi-Strauss plus que tout le reste de sa vie, et il a fallu ce récit pour qu’elle se sente apaisée, enfin réconciliée avec son père.

Alors que la famille mène une existence aisée et intellectuellement riche, celui-ci décide donc d’accepter une offre d’emploi en Allemagne. Il estime que ce sera parfait pour les deux enfants qui pourront apprendre à parler la langue. Peu importe que nous soyions en 1939, que sa femme soit juive, et que tout le monde considère qu’ils se jettent dans « la gueule du loup ». De l’Allemagne, ils ne vont connaître que la guerre. Monique Lévi-Strauss fait revivre avec un souci du détail qui les rend d’autant plus vivantes ces incroyables années, pauvres, difficiles, mais aussi riches en amitiés et en solidarité. Il leur est impossible de rentrer en France, même si leur père est revenu à la raison. Il faudra attendre 1945 pour qu’ils puissent retrouver Paris, leur famille, leurs amis. Le couple, lui, n’y survivra pas. Ecrit avec une grande simplicité, un certain détachement aussi tant les faits parlent d’eux-mêmes (il est inutile de rajouter des effets de plume), Monique Lévi-Strauss signe un récit dont la distance fait la force. De retour en France, il va se passer encore beaucoup de choses: un bref exil aux Etats-Unis, des études de médecine avortées, de belles aventures dans ce Paris culturellement foisonnant de l’après-guerre. Jusqu’à la rencontre, un soir de 1949 à l’île de Ré avec Claude Lévi-Strauss, pour lequel elle traduira des textes allemands. Le séjour en Allemagne aura au moins eu une conséquence heureuse….

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