Eben ou Les yeux de la nuit
Elise Fontenaille

Editions du Rouergue
janvier 2015
64 p.  8,30 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le génocide oublié

En 1904, le peuple noir des Hereros se révolte contre les colons allemands qui occupent l’Afrique du sud ouest, actuelle Namibie. Ils furent les victimes d’un massacre de grande ampleur -100 000 périrent- assimilé à l’un des premiers génocides du 20e siècle. Une répression organisée par le général Lothar Von Trotha, nommé par l’empereur Guillaume II, connu pour son insatiable cruauté. Les survivants furent déportés dans des camps de travail forcés, notamment sur une île surnommée « Shark Island ».

Comment décrire la plus terrible des cruautés humaines ? Comment parler, ne serait-ce qu’évoquer, un génocide, et qui plus est, à des adolescents ? Quand le passé fait mal, quand l’histoire de ses ancêtres est trop douloureuse, quand viennent les cauchemars, les crises, l’angoisse et la panique, écrire reste peut-être le dernier –et le meilleur- moyen de s’en sortir. Pour laisser une trace, expliquer, et tenter de faire surgir la vérité, le récit semble bien souvent, la voie privilégiée.

Le héros du nouveau roman d’Elise Fontenaille s’appelle Eben, diminutif d’Ebenzebe, et il porte bien son nom, puisqu’il signifie « Pierre de mémoire ». Le jeune homme vit en Namibie. Il a la peau sombre et les yeux bleus. Ses yeux, il a failli se les crever un jour, lorsqu’il a appris d’où ils lui venaient. Mais Eben a préféré les mots, pour ne pas laisser l’oubli effacer le traumatisme, un traumatisme couleur de sang. Cette histoire, c’est celle du massacre de son peuple, les Hereros, au début du 20e siècle. Un génocide oublié des livres d’histoire, une extermination totale dont on ne parle jamais, et dont l’auteur s’empare avec une très grande finesse.  Après « Les trois sœurs et le dictateur » et « La cité des filles choisies »*, Elise Fontenaille déterre une nouvelle fois une histoire qui n’aurait peut-être jamais vu le jour**. Sur la base d’une sérieuse enquête et de recherches minutieuses, elle dévoile tout un pan dramatique de l’histoire de l’Afrique, et rend un hommage au peuple oublié des Hereros. Dans une langue pourtant poétique, elle n’épargne rien, va droit au but, sans s’encombrer des détails. Et c’est ce qui fait la force de tous ses romans.

* Lire notre chronique sur  o n  l  a  l u

** Une version pour adultes est disponible il s’agit de « Blue Book »

partagez cette critique
partage par email