River
Claire Castillon

Gallimard jeunesse
scripto
septembre 2019
184 p.  10,50 €
ebook avec DRM 7,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Un gentil « boulet »

River. C’est le prénom d’une jeune fille bizarre, hors-norme, hypersensible. « Trop zarbi. Trop strange. Tarée mais pas cool. » River, c’est un tourbillon, un être adorable et maladroit qui fait tout de travers. River, quinze ans, est la petite sœur de la narratrice, appelée en secret par cette dernière, le « boulet » de la famille. Les deux sœurs dorment ensemble et la nuit, la narratrice est réveillée par des hurlements affreux, témoins des cauchemars et des angoisses terribles de River. Car les peurs de l’adolescente sont concrètes : un groupe de garçons, dont un certain Alanka, un gros dur, la harcèlent.

Contrairement à River, la narratrice vit un rêve : elle est douée, brillante, appréciée, sage, raisonnable, intelligente et entourée. Si bien qu’elle se complaît à le confier au lecteur, agrandissant encore la différence entre elle et River, à qui la solitude pèse inévitablement. Elle est prête à tout pour se faire des amis, et ne prend pas toujours conscience des moqueries et de la violence autour d’elle. Au collège, tous renvoient à la jeune fille son étrangeté et sa différence. Néanmoins, elle est loin d’être idiote : lorsqu’ils la font saigner du nez, plaquent sa tête sous l’eau du lavabo des toilettes, la propulsent sur un portemanteau ou la chahutent dans une mêlée, elle reste forte, fière, superbe au cœur de son enfer quotidien, suivant à la lettre les conseils de sa sœur pour tenter d’éviter les ennuis.

Dans une langue poétique et sensible, Claire Castillon brosse le portrait d’une héroïne fascinante, grâce à la voix d’un personnage très proche d’elle. Ce roman raconte l’histoire d’une adolescente harcelée, mais également la plongée dans un univers hostile, le milieu scolaire, dans lequel les élèves interagissent et se détruisent aussi ; c’est encore la description fine des liens intergénérationnels (entre une grand-mère et sa petite fille), et l’émotion d’une relation de confiance entre deux sœurs, et entre une mère et sa fille – la narratrice – qui s’efface si souvent pour la laisser s’occuper de sa sœur. River nous enchante par sa capacité à se foutre du monde. On l’envie, paradoxalement, car elle semble avoir compris si justement ce qu’était qu’être soi.

 

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