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nuit blanche
Folie cartésienne ?
Le narrateur, quarante-cinq ans, atteint du syndrome d’Asperger « On me rétorque souvent que je schématise les situations complexes à cause de mon syndrome d’Asperger, mais je me contente de raisonner logiquement comme chacun devrait s’y astreindre. » assiste aux obsèques de sa grand-mère. Il sursaute en écoutant l’officiante vanter les mérites de Marguerite. « C’est ma grand-mère Marguerite qu’on voudrait faire passer pour une femme généreuse et gentille, révisionnisme dont personne autour de moi ne semble s’indigner ». Sa maladie fait qu’il ne supporte ni les mensonges, ni les approximations. Sa grand-mère Marguerite n’était pas la femme dévouée, généreuse… présentée. NON, l’hypocrisie régentait sa vie, de plus, elle était égoïste, menteuse (entre autre) une brave femme quoi !! De plus, elle n’est pas morte à cent ans, mais à 99 ans et 51 semaines. Ma grand-mère Marguerite était « une femme de tête autant qu’une femme de cœur ». Car ma grand-mère Marguerite était en effet à peu près aussi incapable de réfléchir que d’aimer. Quand il parle du reste de la famille, ce n’est guère mieux. L’homme aime que la vérité soit dite, que les choses soient exactes. Cet homme, surdoué, a trois passions, le scrabble, le petit bac et ses listes apprises par cœur, les catastrophes aériennes, tout au moins, les causes exactes. Maintenant, avec internet, plus besoin de se déplacer pour trouver les renseignements. Et puis, il y a Sophie Sylvestre qu’il aime depuis la seconde et aimera toujours, même s’il ne peut plus l’approcher, encore et toujours parce qu’il ne possède pas le filtre des conventions, que les émotions, l’empathie lui sont inconnues. J’ai adoré le jeu de ping-pong, le décalage entre les autres et lui. Lui est cartésien, droit dans ses bottes, hyper logique, immuable ; le reste de la famille, comme tout un chacun a des petits accommodements avec la vérité, la fidélité, la morale… est versatile. Tout ceci donne un livre où l’ironie et le caustique offrent un portrait de famille décapant. L’homme n’est pas dénué de sentiments, peut-être que le mot est trop fort !, disons de tendresse pour son père. Pourtant il aime d’un amour platonique, enfin le croit-il Sylvie Sylvestre, et rêve de nuits d’instants avec elle comme une midinette devant un bouquin de la collection Arlequin. Seul lui manque son grand-père avec qui il résolvait des problèmes de thermodynamique. Emmanuel Venet, psychiatre de son état, semble bien connaître cette maladie et ses symptômes. Je pense qu’il a pioché plusieurs anecdotes parmi ses patients et c’est amusé à nous les retranscrire. Les obsèques de la grand-mère offrent un nuancier d’émotions, de sentiments qu’il décrit avec humour et ironie. Je sens qu’il s’est délecté à écrire ce livre. Derrière mes sourires et fous rires, il y a la souffrance du narrateur. Son intransigeance le rend inapte à la vie en société, blesse son entourage et fait, qu’à force de vouloir marcher droit, sans concessions à la vérité et la logique, il tourne en rond. « Quant à moi, seul du clan à penser juste et à marcher droit, j’essaierai de dépasser le score de Roger Walkowiak dans son quart de finale au championnat de France deux mille trois en duplicate. Pour un jour aussi moche, je ne vois pas ce que je pourrais espérer de mieux. » Un très bon livre Retrouvez Zazy sur son blog
coup de coeur
Eloge de la folie
Lecteurs, placez ce livre sur le dessus de votre PAL (pile à lire), libraires, posez-le sur votre table près de l’entrée, imprimeurs, relancez vos machines…Que chacun profite de ce petit chef d’œuvre : c’est piquant, percutant, vif, intelligent et drôle, si drôle… Vraiment… à pleurer de rire ! Le sujet ? A la manière des philosophes du XVIIIe qui dénonçaient le ridicule de leur société à travers les yeux faussement naïfs de quelque Candide, Ingénu ou étranger, tel, au hasard, un Persan, Emmanuel Venet descend en flèche une société dont les rapports humains sont fondés sur la pire des hypocrisies, une haine sans pareille ou au mieux une indifférence profonde. Visiblement cela contente tout le monde ou bien tout le monde s’en contente voire se félicite d’être capable de se couler dans le moule de la bêtise (pour rester poli), de la méchanceté et du simulacre. Ici, celui qui pose un regard juste et droit sur la société, c’est le narrateur. Il a quarante-cinq ans et est atteint du syndrome d’Asperger, forme d’autisme qui l’empêche de s’épanouir en société d’une part, mais aussi de dissimuler ses sentiments, de jouer un rôle, un rôle social. Il est « asociognostique, c’est-à-dire incapable de se plier à l’arbitraire des conventions sociales. » Il n’aime « ni les propos trompeurs ni les cachotteries » Il est franc, honnête, lucide, aime ce qui est logique, clair et précis. Ses goûts vont au scrabble, aux recherches sur l’origine des catastrophes aériennes et à son amour d’adolescent, une certaine Sophie Lachenal devenue, depuis qu’elle s’est mariée, Sophie Sylvestre-Lachenal, femme à laquelle, il en est bien certain, il restera fidèle toute sa vie. C’est bien parti en tout cas ! Or, tandis qu’il assiste aux obsèques de sa grand-mère, il découvre avec stupeur et dégoût que le propos de l’officiante recrutée par sa tante Solange à la Pastorale diocésaine n’est qu’un immense tissu de mensonges éhontés. Non, sa grand-mère Marguerite n’était pas une épouse fidèle, une mère dévouée, une femme généreuse, ouverte…. Elle a trompé son mari pendant des années, l’a laissé s’enfoncer irrémédiablement dans l’alcool, « préférait l’argent aux êtres humains, voulait rendre la France aux Français, considérait les handicapés comme des parasites et les homosexuels comme des malades mentaux, et regrettait amèrement la peine de mort au moins pour les assassins, les meurtriers, les violeurs, les braqueurs et les incendiaires ». Finalement, dit-il, « les seuls renseignements exacts durant cette pantalonnade se réduisent pour ainsi dire aux données de l’état civil ». Et chaque membre de la famille (tante Solange, tante Lorraine et les autres) en prend pour son grade. Et comme l’office dure un certain temps, personne n’échappe à son portrait peint au vitriol… Les masques de la comédie sociale que chacun aime à jouer tombent un à un laissant apparaître des individus abjects, grossiers, d’une bêtise insensée et totalement formatés par une société avide de passer tous ses citoyens à la moulinette. L’instinct grégaire aidant, tout le monde veut ressembler à tout le monde. Beurk ! Quand on pense que le seul qui soit dans le vrai, le bon sens, la logique, le seul qui échappe à la pensée unique, à la mode, aux futilités, au jeu social au sein de cette famille qui pourrait évidemment être celle de chacun d’entre nous, le « seul du clan à penser juste et à marcher droit » est considéré comme « un fou » ou un malade… Cela laisse rêveur… (Cela dit, chez Shakespeare et ailleurs sans doute, les fous ne sont-ils pas les plus clairvoyants ?) Et évidemment, ces tissus de mensonges que l’on entend le jour des funérailles sont décuplés lorsque c’est la société qui s’en empare et qui s’exprime à travers les médias : « De même qu’on nous dit à l’échelle familiale que ma grand-mère Marguerite, femme réactionnaire et foncièrement égoïste, représentait un modèle de tolérance et de bonté, on nous serine à plus grande échelle qu’il nous faut à la fois abattre les dictatures et vendre aux tyrans des armes pour équilibrer notre balance commerciale ; produire plus de voitures et diminuer les émissions de gaz d’échappement ; supprimer les fonctionnaires et améliorer le service public ; restreindre la pêche et manger plus de poisson ; préserver les ressources en eau douce et saloper les aquifères au gaz de schiste. » Plongée en eaux profondes dans la mer des absurdités et des mensonges. On a parfois envie de se laisser couler… Un livre vraiment désopilant, saisissant de vérité, qui nous tend un miroir dans lequel, il faut bien le dire, nous ne sommes pas bien beaux à voir, nous, les sains d’esprit… Retrouvez Marie-Laure sur son blog |
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