Le film de Jacky Cukier
Emilie Frèche

Actes Sud Editions
babel
mars 2013
288 p.  8 €
 
 
 
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coup de coeur

Les tribulations de Jacky Cukier à Palestine… Texas

Jacky Cukier existe bel bien, ce n’est pas qu’un personnage inventé -peut-être est-il simplement réinventé- pour les besoins d’un roman au titre quasi éponyme. Dans son roman un rien déjanté Émilie Frèche dresse le portrait d’un cinéaste talentueux de cinquante ans, un brin provocateur qui peine à se remettre véritablement au travail après le succès de son premier film « Chambre à part » (film sorti en 1989). Jacky est l’archétype de l’anti-héros : il est angoissé, fume plus de deux paquets de cigarettes par jour, et souffre de crises de spasmophilie qui donnent lieu à des scènes épiques dans lesquelles le pauvre homme en est réduit à respirer dans un sac, les jambes relevées pour dissiper son malaise.

Il faut dire que la vie de Jacky n’est plus de tout repos depuis que sa femme Alice, victime d’une agression antisémite dans les rues de Paris, a décidé de s’exiler avec leurs deux enfants à Palestine… Texas. Bien qu’il trouve la réaction d’Alice complètement disproportionnée, Jacky suit femme et enfants dans un pays -les États-Unis – dont il ne maîtrise ni la langue, ni les codes. Un véritable choc des cultures pour un homme que rien ne prédestinait à se retrouver dans un ranch perdu dans un trou paumé au Texas.

« Le film de Jacky Cukier » est un roman aussi drôle que caustique, au rythme enlevé et sans aucun temps mort, sourires et rires fusent au fil des pérégrinations de Jacky sur le nouveau continent. Ce roman est aussi une étude du couple dans lequel Émilie Frèche dissèque avec tellement de précision et de véracité non dénuée de tendresse, le duo Jacky-Alice que l’on ne peut s’empêcher de se demander si l’auteur n’a pas savamment disséminé quelques éléments autobiographiques dans ce récit un peu piqué.

Mais que l’on ne s’y méprenne pas, si ce roman diffère quelque peu de ceux qui suivront dans la bibliographie de l’auteur (Chouquette, Deux étrangers) tant par sa forme que par son écriture, l’on sent poindre dans « Le film de Jacky Cukier » ce qui fera la richesse des futurs romans d’Émilie Frèche, une écriture maîtrisée et une volonté d’aller au fond des choses. Qualifier ce roman de comédie douce-amère semble presque trop réducteur, pour un texte dans lequel sont abordés en filigrane des thèmes chers à l’auteur : le refus de toute forme de communautarisme, l’antisémitisme, ou encore le déracinement. « Le film de Jacky Cukier » recèle bien plus de secrets et de profondeurs que l’on voudrait bien y voir au premier abord, Émilie Frèche y montre une autre palette de son talent.

« Le film de Jacky Cukier » est un roman que l’on repose le sourire aux lèvres mais aussi des interrogations sur la nature de l’homme plein la tête, un livre à consommer sans aucune modération…

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