critique de "658", dernier livre de John Verdon - onlalu
   
 
 
 
 

658
John Verdon

Grasset
mai 2011
448 p.  21,50 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Un bol d’air phénoménal.

Une fois n’est pas coutume, j’ai assisté à une rencontre avec l’auteur avant d’avoir lu son livre. Rencontre passionnante devant un parterre de lecteurs visiblement impressionnés par le décalage entre la petite bonne femme qu’ils avaient devant eux et le parcours musclé qui a fait sa vie et inspiré ce roman. Impossible après cette heure passée à écouter le récit de ses aventures, d’une petite voix fluette mais attachée à bien choisir ses mots, de ne pas avoir son image imprégnée sur la rétine pendant la lecture. Une lecture haletante, une plongée dans ce que la nature a de plus brut et certainement de plus beau dans sa confrontation avec l’homme (et la femme). D’une écriture sobre, parfois hachée, presque haletante, Catherine Poulain nous offre un magnifique bol d’air empreint d’une sorte de poésie des grands espaces. On ne saura jamais exactement pourquoi Lili a fui un jour Manosque-les-Plateaux, qu’elle appelle Manosque-les-Couteaux et dont l’ombre continue à planer longtemps sur elle. Un départ soudain, une seule envie : aller au bout du monde. Direction l’Alaska, The last frontier, les ports et les bateaux de pêche, un monde d’hommes, un monde rude où l’on se mesure aux forces de la nature, où l’on se noie de fatigue pour oublier ce que l’on a à oublier. Peu à peu, Lili se fait sa place, endurant les douleurs les plus intenses, ne se préoccupant ni de son confort ni de sa santé, une envie tenace chevillée au corps, celle d’être adoptée par ce milieu de marins rugueux. Ici, tous ont un jour tout abandonné pour se confronter aux exigences de ce territoire qui ne ressemble à aucun autre. Catherine Poulain a tout noté. Des tas de carnets dans lesquels la jeune femme a consigné jour après jour son long apprentissage du métier, des hommes et de la mer. Voilà pourquoi elle parvient à nous projeter sur ces bateaux, brutalement, crument avec une force picturale magistrale. Le corps à corps avec les flétans, les lourds casiers à manier, les mains dans les chairs et le sang des poissons, les odeurs, la promiscuité, la souffrance, l’épuisement salvateur. C’est d’une beauté incroyable dans la sauvagerie. Et au milieu de ce chaos, une jeune femme se construit, s’émancipe, revendique sa liberté et se bat pour la conquérir. Comme un homme. Elle gagne une forme de respect mais également de tendresse bourrue de la part de ses camarades de labeur. Mais elle n’a que faire d’une éventuelle protection, Lili, elle ne veut que pêcher, se mesurer sans cesse à de nouveaux défis. Ses jambes sont désormais solides, des jambes de marin bien campées sur le pont. Et ses mains… En lisant, je repense aux mains de Catherine Poulain qui m’ont fascinée pendant que je l’écoutais. Des mains qui racontent, larges, couturées, striées. Elles disent à elles seules le combat mené chaque jour. Le grand marin est un roman d’amour aussi. L’auteure parvient à dire les sentiments avec une belle simplicité qui concourt à leur donner encore plus de force. On est loin des apprêts de la vie citadine, ici même les sentiments sont bruts. L’ennui, la fatigue, l’alcool qui réchauffe les cÅ“urs et les corps… et puis cette amitié virile qui consolide tout. Le plus impressionnant avec ce livre, c’est la façon dont on ressent comment Lili/Catherine fait corps avec la nature. C’est la force de cette écriture qui mêle sincérité et passion et qui parvient à vous transporter dans un autre univers. Pourquoi pas jusqu’à Point Barrow ? « L’île a refermé sur moi ses bras de rochers noirs. L’anse verte des collines me domine, silencieuse et nue. Les épilobes en fleur ondulent comme une marée mauve. L’ombre d’un marin qui s’est couché sur moi ne m’a pas quittée lorsque lui est parti sous cette pluie très douce, sur un ferry blanc dans la nuit très noire. Elle marche avec moi quand je traîne la patte dans ces rues peuplées de grands hommes bottés qui vont d’un bateau à l’autre, puis d’un bar à l’autre, en tanguant, et s’en retournent vers la mer de leur pas balancé et souple. » Ouvrez Le grand marin, respirez, accrochez-vous et laissez-vous emporter… Vous ne le regretterez pas.

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« C’était un tel bonheur de bénéficier de la tendre approbation d’une femme aussi farouchement intelligente. »

David Gurney est un drôle de gars. Récemment retraité du NYPD, il s’est installé à la campagne pour faire plaisir à sa femme, une deuxième épouse. Lui, son truc, c’est gamberger. Livré à lui-même, il a toujours passé plus de temps dans l’examen de l’action, quelle qu’elle soit, que dans l’action elle-même, plus de temps dans sa tête que dans le monde extérieur. Ce qui n’avait jamais posé de problème s’agissant de son travail; au contraire, c’est sans doute précisément ce qui avait fait de lui un si bon (et si célèbre) flic. Mais sorti de là, il n’est certes pas quelqu’un d’agréable à fréquenter. Il n’a pas réglé grand chose de ses conflits intimes (son couple a vécu le pire drame qui puisse se concevoir et il refuse de l’affronter) et se voile la face.
Intervient alors une ancienne relation de fac, qui le sollicite pour démêler une très étrange histoire : il a reçu des menaces qui l’inquiètent fortement. Sommé de penser à un chiffre, n’importe lequel, de façon tout à fait aléatoire il a pensé à 658 et a effectivement trouvé ce chiffre dans une enveloppe jointe. Les courriers, poèmes et coups de fil s’enchaînent, lui affirmant très bien le connaître et lui promettant les pires châtiments. Bien qu’il prétende n’avoir rien à se reprocher, il est terrorisé, et il fait bien de l’être, car…
Gurney est forcément intrigué, et lorsque les meurtres commencent à se réaliser (car il y en aura plus d’un), il mobilise tous ses neurones sur cette affaire, reprenant le collier au grand dam de sa femme. L’adversaire en face va se monter de taille, et très surprenant…
658 est un très bon thriller qui prend la peine de nous expliquer ses tours et détours en détails, nous apprenant au passage mille et une petites et grandes choses, le mythe de Charybde et Scylla par exemple, ou la façon dont notre cerveau subit peut-être un court-circuit dans notre système neurologique triant les informations, faisant que nous continuons, d’une certaine façon, à voir les choses qui nous sont familières telles qu’elles étaient jadis (Peut-être le cerveau n’enregistre-il pas les changements au fur et à mesure, s’ils sont suffisamment progressifs, jusqu’à ce que l’écart atteigne un seuil critique).
La tension va creshendo, la résolution des énigmes est convaincante, j’ai été accrochée tout du long et n’ai pas boudé mon plaisir : je recommande !

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Grande tension psychologique.

Le style de J. Verdon est assez particulier : j’ai aimé sa plume fluide et agréable mais il a choisi de ne pas miser sur l’action pure mais de se concentrer sur la psychologie des personnages.

On se retrouve donc dans une intrigue où j’ai eu l’impression de faire du sur-place pendant un bon quart du roman puis, lorsque l’action démarre, de rester spectatrice… C’est un peu perturbant mais comme je tournais les pages sans m’en rendre compte, le temps est finalement passé très vite !

Les personnages sont très bien développés, chacun a son passé plus ou moins douteux.

J’ai apprécié découvrir Dave Gurney, flic à la retraite mais qui n’arrive pas vraiment à décrocher : je trouve que son cheminement est crédible et compréhensible, plus de 20 ans à élucider des crimes tous les jours ça doit forcément laisser des traces !

Sa femme est également très importante dans le roman et m’a beaucoup plu : elle reste discrète et semble détachée de l’enquête mais sans elle, Gurney n’aurait peut-être pas trouvé le coupable…

Les personnages secondaires sont aussi bien travaillés et intéressants à découvrir.

L’intrigue, bien que plutôt lente, m’a plu.

Même si je sors un peu déçue que l’explication du mystère 658 arrive si vite et soit finalement si rationnelle, la résolution de l’enquête m’a intéressée et les différents petits détails que le coupable laisse traîner amènent un suspense que l’on pourrait déplorer à cause du manque d’action.

Le point fort du roman est pour moi la scène du dénouement et du face à face final. Ce passage est tellement bien écrit et surtout, bien loin des scènes rocambolesques que les auteurs se sentent obligés d’écrire pour finir leurs romans, celles qui m’insupportent au plus haut point et qui souvent ne font que gâcher un roman qui me plaisait pourtant… L’auteur nous livre une explication crédible, simple et efficace sans oublier le côté psychologique qu’il maîtrise parfaitement.

En bref, un premier roman remarquable. Le lecteur sera peut-être surpris par le manque d’action mais J. Verdon est tellement doué pour instaurer une tension psychologique qu’il ne s’ennuiera pas et tournera les pages sans s’en rendre compte. Je retiendrais ce point là ainsi que le final qui m’a énormément plu et qui ne plombe pas les efforts développés tout au long du roman.

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