critique de "Schroder", dernier livre de Amity GAIGE - onlalu
   
 
 
 
 

Schroder
Amity GAIGE

Traduit par Isabelle D. Philippe
10 X 18
mars 2014
308 p.  7,10 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Au cœur du mensonge

On ne sait pas vraiment comment les choses ont commencé, mais il est certain qu’elles ont assez vite mal tourné. Aujourd’hui, celui qui fut longtemps Eric Kennedy, a retrouvé sa véritable identité d’Erik Schroder et il écrit depuis sa prison. Il s’adresse à son ex-femme, Laura, pour tenter de lui expliquer pourquoi il a soudain décidé de prendre la route avec leur fille Meadow, et de ne pas la ramener comme convenu, alors que le week-end se terminait. Pourquoi il n’a tout simplement pas pu se séparer de Meadow, pourquoi il a eu besoin de tout gâcher alors qu’il savait très bien que cette escapade ne pouvait que mal se terminer.

Erik et son père sont arrivés aux Etats-Unis à la fin des années soixante-dix, après avoir quitté l’Allemagne de l’Est, abandonnant derrière eux Madame Schroder. Il a fallu oublier, recommencer une nouvelle vie, apprendre une nouvelle langue… Qu’est-ce qui le pousse, ce jour de 1984 (il a 14 ans), alors qu’il remplit un formulaire pour participer à un camp de vacances, à s’inscrire sous le nom d’Eric Kennedy (hommage à l’autre Kennedy et son « Ich bin ein Berliner »). C’est à cet instant que sa vie va basculer dans le mensonge. Pour aller avec ce patronyme bien américain, il s’invente une nouvelle existence et il sera dorénavant obligé de gommer son passé pour se glisser dans la peau de ce jeune « WASP », dont il laisse entendre qu’il est apparenté de manière lointaine à l’ancien président. Plus jamais, jusqu’à ce jour où il se trouve en prison, il n’apparaîtra sous sa réelle identité. Il y a de quoi devenir fou (on se souvient de l’affaire Jean-Claude Romand romancée par Emmanuel Carrère dans « L’adversaire ») et c’est d’une certaine façon ce qui va arriver à Erik-Eric. Au début de son mariage avec Laura, tout feu tout flamme, il réussit à endosser son rôle sans trop de difficultés. Puis il perd son travail, et à partir de là, peu à peu, la façade se fissure, le mariage prend l’eau. La séparation est inévitable, il n’obtient la garde de l’enfant qu’un week-end sur deux, et sa vie ne tourne plus qu’autour de ces deux jours. La plus grande partie du livre raconte leur fugue, et la relation entre ce père et sa petite fille très intelligente, qui comprend sans vraiment comprendre ce qui se passe. Quand le mensonge s’installe dans une vie, tout le reste se retrouve en équilibre instable, et le moindre souffle de vent démolit la fragile structure. C’est cette fragilité qu’explore Amity Gaige avec beaucoup de délicatesse.

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Un geste impardonnable

Schroder, le titre donné au roman est justement le nom qu’Erik, le personnage principal, n’a de cesse de vouloir effacer de sa mémoire. Schroder, un nom qu’il a rayé de sa vie depuis l’ adolescence, un nom lourd à porter qui le renvoie à ses origines, au pays qui l’a vu naître : l’Allemagne. Le mur, la séparation avec sa mère, la fuite avec son père…
Quand ils débarquent aux Etat-Unis tous les deux, Erik est fasciné par l’endroit : un vent de liberté y souffle. Tout est à inventer, à réinventer. Ne surtout pas demeurer « l’étranger », réussir à se fondre dans la masse, à s’y noyer. D’abord changer ce nom qui lui colle à la peau et à l’âme. Il s’appellera désormais Kennedy. C’est sous ce nom qu’il s’inscrit à son premier camp de vacances, il a quatorze ans (j’avoue être sceptique sur la crédibilité de cette usurpation d’identité avec falsification de papiers et sur l’ignorance de son père…).
Erik continue ainsi son existence, fait des études, a des conquêtes amoureuses, travaille dans l’immobilier, se marie avec Laura, et a une fille Meadow. Son rêve américain se poursuit tranquillement, sereinement. Mais au bout de quelques années de mariages, le couple ne se comprend plus, Laura veut divorcer de cet homme qui semble tellement éloigné d’elle aujourd’hui. Elle obtient la garde de leur fille, Erik ne la voit que quelques week-ends…
C’est l’incompréhension, la tristesse, la déprime pour Erik. Cette affaire le dépasse complètement. Il est indéniable qu’il aime énormément sa fille mais il est si malhabile… Son passé remonte à la surface, ses mensonges s’entremêlent. Tout ce qu’il avait construit s’écroule.
Alors quand un jour, son beau-père lui amène Meadow pour la journée, Erik perd la face. Il part avec sa fille. Une cavale de six jour s’ensuit. Usurpation d’identité et enlèvement. Beaucoup pour un seul homme.
Ce livre est donc une longue lettre qu’Erik écrit à sa femme expliquant son geste impardonnable.
Une lecture pas très agréable. On aimerait comprendre le comportement d’Erik mais l’empathie ne vient pas. Ce personnage est trop englué dans son passé. La vérité lui revient en plein visage faisant voler en éclats une vie fabriquée en « carton-pâte », mais il y a une petite fille de six ans bien réelle qui a besoin d’un père rassurant et bienveillant… Un sentiment de malaise a entravé ma lecture malgré certains passages justes et émouvants sur ces pères à qui l’on retire la garde de leur enfant, et une réflexion intéressante sur le silence.
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