Anatomie d'un soldat
Harry PARKER

traduit de l'anglais par Christine Laferrière
Le Livre de Poche
août 2016
416 p.  7,90 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Il faut sauver le soldat Parker

Que connaît-on de la guerre en 2016 ? Des images sur nos écrans, des analyses géopolitiques que nous lisons et entendons ici ou là. Harry Parker l’a vécue ; engagé à 23 ans dans la British Army, il combat en Irak, puis en Afghanistan en 2009, où il sera grièvement blessé. Son expérience lui a inspiré un premier roman remarquable, bouleversant et terriblement humain.

Casque, sac à dos, carte militaire, jumelles, baskets, sonde chirurgicale, fauteuil roulant, pile électrique, mais aussi vélo, miroir, sac à main, billet de banque ou flocon de neige : en quarante-cinq chapitres, ce sont autant d’objets qui racontent l’histoire du capitaine Tom Barnes, qui a sauté sur un engin explosif lors de sa mission en pays arabe. Sauvé in extremis, il est amputé des jambes avant d’être rapatrié en Angleterre.

Rentrer, le combat le plus difficile

Si l’on énumérait ces objets sans commentaire, on verrait se dessiner l’histoire de ce soldat ordinaire que la guerre a mutilé. Sur le terrain, on éprouve sa peur, l’adrénaline, la réalité des lieux inconnus et la douleur, mais le combat le plus long et le plus difficile pour Tom, le plus poignant aussi, c’est celui du retour, le temps de la convalescence, de la rééducation, l’acceptation de son corps infirme avec ces prothèses en carbone qui font désormais partie de lui. C’est une autre existence qu’il faut réapprendre avec le courage de faire face aux regards apitoyés, aux plaisanteries gênées, et au désarroi d’une société qui récupère ses enfants marqués à vie dans leur chair et dans leur âme.

Une guerre qui dépasse ses combattants

Pas de manichéisme chez cet auteur qui ne se focalise pas sur le seul point de vue occidental : les autochtones divisés entre insurgés, modérés ou apeurés ont aussi la parole – à travers leurs objets, dans une volonté de montrer l’enchaînement des faits qui ont conduit à ce drame typique d’une guerre qui dépasse ses exécutants.

Au lieu d’instaurer une distance ou une neutralité, ce parti pris des choses entraîne une proximité et une véritable empathie pour les personnages. Le garrot qui sauve la vie du jeune soldat, le tapis sur lequel deux hommes parlementent, une lettre envoyée à 6400 kilomètres de là, prennent une importance qui accentue la fragilité de nos certitudes et insistent sur la valeur de chaque vie.

 

partagez cette critique
partage par email