Arrive un vagabond
Robert Goolrick

Traduit par
Marie de Prémonville
Pocket
novembre 2103
345 p.  6,95 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’enfance est un lieu dont on ne sort pas indemne

Il y a des livres que l’on se sent presque forcé d’aimer, tant la critique s’est montrée élogieuse à leur égard: « texte éblouissant », « roman magnifique », « un vrai chef-d’oeuvre » … Qu’ajouter à tout ce qui a été dit ?  Comment vous convaincre de le lire, après les articles enchanteurs comparant Robert Goolrick à Steinbeck ? J’ai essayé de me l’approprier sans préjugés.

1948. Comme le suggère le titre, un vagabond arrive à Brownsburg, bourgade paisible du sud des Etats-Unis, au volant d’un vieux pick-up. De Charlie Beale, on ne sait rien. Il n’a pas de passé, mais consigne son quotidien dans les pages d’un cahier. Vivant d’abord à l’écart, dans un champ, il s’attire rapidement l’affection des habitants. Will, le boucher, l’engage à ses côtés. Alma, l’épouse de celui-ci, le materne et lui trouve une maison. Mais c’est surtout avec leur fils que Charlie se lie d’amitié. Sam, six ans, petit garçon aux milliers de questions, mais forcé de taire un très lourd secret, un secret écrit noir sur blanc dans le cahier de Charlie, un secret terrible, et qui se résume en un mot : adultère, ou en un prénom : Sylvan. Sylvan est l’épouse du riche propriétaire Boaty Glass, mariée de force, puisqu’il l’a achetée à ses parents, des paysans miséreux. Dès qu’elle pose le pied dans la boucherie, l’étranger s’éprend de cette beauté entêtante, aux yeux verts et aux doigts fins. Peu à peu, Sylvan Glass devient pour Charlie, sa raison de vivre. S’ensuit alors une passion dévorante dont le petit Sam est l’unique témoin.

Mais ne parler que de la passion interdite entre deux êtres que tout oppose, serait réduire le roman de Robert Goolrick à une -très belle- histoire d’amour. Or, il est bien plus que cela. Le récit est porté par deux personnages que l’auteur ne se lasse pas d’analyser : à travers Sylvan, il raconte d’abord la désillusion. Du haut de ses vingt ans, la jeune femme rêve de vie mondaine et d’Hollywood, arbore des robes flamboyantes et parle comme les actrices de cinéma qu’elle écoute fiévreusement à la radio. Elle tente vainement d’oublier sa vie monotone, et nous fait délicieusement penser à Emma Bovary. Puis, à travers Sam, il opère une plongée dans le monde de l’enfance. On se met à la place du petit garçon éternel insatisfait et d’une intelligence extrême, qui prend à la fois conscience de son cœur et de son corps, et c’est tout simplement bouleversant. Sa liberté de parole fait du lecteur son tendre complice. Et parce que le héros considère Sam comme un adulte, le petit ne parvient pas à trouver sa place. Seul et silencieux, assis dans le salon de Sylvan, face aux biscuits et aux bandes dessinées, les bruits provenant de l’étage, le paralysent et le gênent. Moins que l’existence de Sam, ce sont aussi les vies des habitants que Charlie bouleverse. À Brownsburg, Noirs et Blancs ne se mélangent pas. Chacun dans son église craint Dieu et l’enfer. Alors quand l’étranger commet le péché ultime, ils se renferment encore davantage sur eux-mêmes.

Les lectrices de « Elle » avaient vu juste en décernant leur grand prix 2013 à ce roman. Ce drame poignant, qui oscille dangereusement entre grâce et cruauté, se lit d’une traite. Comme un écho à la phrase « L’enfance est un lieu dont on ne sort pas indemne », la tragédie monte en puissance et laisse place au dénouement qui glace le sang.

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 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

une ballade douce et amère aussi.

Comment vous dire le plaisir que cette lecture apporte ?
Comment vous faire partager la jolie musique de ce livre ?
Quand je me suis retrouvée avec celui-ci entre les mains, je ne connaissais rien de lui : ni son auteur, ni le prix des lectrices ELLE, ni les critiques. Il a suffit de son titre pour me retrouver attirée dans l’histoire de Charlie Beale, cet homme qui semble sans passé et qui arrive à Brownsburg, petite ville de Virginie, à l’été 1948. Sans le vouloir, il changera à jamais le destin de tous ceux qu’il rencontrera.
On y croise, grâce à lui, le charmant couple de la boucherie qui lui ouvre les bras ainsi que leur fils Sam dont la vie va être marquée à jamais par cet homme. On découvre la communauté noire de cette ville qui vit en marge de cette ville et qui veut surtout rester invisible aux yeux des blancs.
Il y a aussi ces pasteurs de toutes religions, leurs fidèles et leur peur des flammes de l’enfer. Et Sylvan Glass, cette femme étrange qui veut faire de sa vie un film et n’être elle-même qu’un personnage.
Je ne vous en dirais pas plus, il vous faut avoir toute la surprise de ce roman qui ne ressemble à aucun autre.
Ce livre est une ballade douce-amère dans une Amérique profonde d’une époque marquée par l’Histoire. Il est plein de grâce et de poésie jusqu’à l’irruption -prévisible et annoncée finalement- de la violence, inéluctable, définitive.

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Arrive un vagabond – Robert Goolrick

Etats-unis, Brownsburg, petite ville de Virginie. Nous sommes en 1948. Une bourgade américaine comme beaucoup d’autres à cette époque ; plutôt paisible, les familles de paysans, de commerçants et de riches entrepreneurs se côtoient avec bienveillance, du moment que les statuts sociaux de chacun sont clairement définis. Pas d’envie ni de jalousie, les gens restent à leur place, dans leur propre rôle. Il en de même pour les groupes ethniques et les différentes églises : la ségrégation raciale semble être parfaitement organisée, noirs et blancs vivent ensemble sans se mêler pour autant. Aucune plainte, aucun crime à déplorer à Brownsburg… Une certaine forme de bonheur paraît se dégager de cette ville sans histoire.

Arrive un vagabond, Charlie, dont on ne connaît pas le passé. Il débarque à Brownsburg au volant de son pick-up avec pour seul bagage une valise emplie d’argent et une autre de couteaux. L’homme est boucher. Séduit par la sérénité qui émane de la ville, il a très envie de s’y installer. Rapidement, il obtient une place dans la boucherie de Will Haislett.
Charlie n’a aucun mal à se faire accepter par les habitants : sa solidité, son courage, son calme, son humanité, son application et son implication au travail, et son dévouement font l’unanimité. Une jolie complicité naît entre lui et le fils de six ans de Will, Sam. L’union de deux solitudes. La jeunesse et la maturité. Des échanges humbles et respectueux, chacun donne à l’autre ce qui lui fait défaut.
Arrive la passion amoureuse. Celle qui remue et qui emporte. Une déferlante dans le coeur de Charlie. Une tornade dans la ville. L’édifice, tout de même fragile de Brownburg, en perd son équilibre. De la volupté à la violence, de la tempérance au soulèvement, du paradis à l’enfer, les sentiments profonds se révèlent. Car la femme tant aimée est déjà mariée…
L’auteur décrit chaque personnage avec minutie ; du grain de sa peau à sa façon de marcher, du vêtement qu’il porte à l’intérieur de son âme, de son regard à ses gestes, de sa voix à l’endroit où il évolue. L’écriture est poétique, cinématographique, colorée. Les paysages défilent, les éléments se déchaînent. La tension est palpable dès les premières pages et ne fait qu’augmenter jusqu’au grand final. Ce roman est une merveille alliant la fresque à l’intime. Beauté et cruauté, ombre et lumière, force et vulnérabilité, amour et destruction, spiritualité et matérialité, le regard d’un enfant sur le monde des adultes, celui d’un homme fou d’amour, une femme tyrannisée par l’apparence, le jugement d’autrui, l’intolérance, la confusion des sentiments…

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coup de coeur

un roman tragique et poétique pour l’été

Nous sommes à Brownsburg, une ville paisible de Virginie, au cours de l’année 1948. Charlie Beale arrive au volant de son pick-up, comme un vagabond, chargé de deux valises pleines de matériel de boucher et d’argent. Le talent de Robert Goolrick repose, d’abord, sur la construction de ce roman aux allures paisibles et descriptions bucoliques. Il installe le décor, le cadre de l’intrigue, sereinement. Ses personnages sont des gens simples, noirs et blancs, pieux, honnêtes et bienveillants. L’auteur dépeint, avec justesse, les failles et paradoxes humains de cette tragédie en marche. Charlie va travailler dans la boucherie de la ville et se lie d’amitié avec Alma, Will et leur fils, de cinq ans, Sam. Tout se passe merveilleusement bien au début de ce roman écrit dans un style particulièrement poétique. La lectrice se retrouve à côté de Charlie « ..près du pick-up, dans le noir, dans le chant sonore des criquets et le murmure des papillons de nuit qui faisait comme un friselis dans son coeur… » Cette atmosphère va pourtant devenir de plus en plus pesante lorsque Sylvan Glass pousse la porte de la boucherie. Sam va devenir, chaque mercredi, l’alibi du couple adultère. Robert Goolrick nous donne la vision de ce petit garçon à qui Charlie demande de préserver le secret, et de mentir, pour mener cette passion à la tragédie et à une enfance fracassée. A travers le personnage de Sylvan, l’auteur traite de la recherche d’identité, des origines, de la légèreté, des apparences. Sylvan est une jeune femme perdue, obnubilée par le cinéma et ses actrices dont elle copie les parures chez sa couturière noire. Elle vit dans ses fantasmes: « …la vraie raison de ses actes était qu’elle préférait le fantasme du film de son imagination à la réalité de Charlie Beale. » Le personnage principal, Charlie, est un garçon simple, habité par la bonté et qui sera la première victime de cette passion dévastatrice. Sam est évidemment le personnage le plus touchant, désarmé face à ce monde d’adultes dont il ne comprend pas encore les codes. L’histoire se base sur une histoire vraie. Excellent moment de lecture. Suspense et montées d’adrénaline.

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Roman exceptionnel

« Arrive un vagabond » parle d’amour, de solitude, de la vie d’enfermement dans la Virginie d’après guerre et du regard d’un enfant sur les adultes.
Les personnages vivent dans un horizon fermé sans ouverture sur le monde mais sont observés par le narrateur avec ses yeux d’enfant. Les scènes d’amour sont émouvantes de volupté et le drame se développe comme dans un film à suspense.

Un très beau roman américain, le meilleur que j’ai lu depuis longtemps.

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