Article 353 du code pénal
Tanguy Viel

Minuit
Double
janvier 2017
176 p.  8 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

« Article 353 du code pénal » de Tanguy Viel est le coup de cœur de
la libraire Millepages à Vincennes
dans le quoi lire ? #59

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu

La beauté littéraire d’un texte juridique

Mouais bof ; je n’ai pas adoré ce monologue, je me suis même ennuyé ; je n’aime pas cette littérature ; j’ai l’impression d’étouffer.

J’ai par contre adoré le dénouement, la décision du juge qui montre sa liberté et l’incroyable pouvoir qui en découle (ou inversement), ainsi que la force époustouflante de cet article 353 rédigé, paradoxalement pour un article de loi, dans un style poétique, philosophique, presque religieux ; un beau texte littéraire

« La loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs :  » Avez-vous une intime conviction ? « .

Ce passage : « elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience » est digne d’un roman classique.

Et cet accord du participe passé « ont faite » est tout simplement génial ; réfléchissez quelques instants avant de comprendre pour quelle raison il y a ce « e » à la fin de « faite » et vous aurez un aperçu de la modernité, de la souplesse, de la finesse de la langue française.
Elle est d’une telle sophistication qu’elle permet d’énoncer précisément la plus fine de toutes les argumentations : cet article de loi en est la preuve.

C’est magnifique !

partagez cette critique
partage par email
 
coup de coeur nuit blanche

Coup de coeur en puissance. Ce livre est génial.

Martial Kermeur vient d’être arrêté par la police pour avoir jeté à la mer un promoteur immobilier, Antoine Lanzac. Le juge écoute attentivement son parcours.

Comment Kermeur en est-il arrivé là ?

C’est à la première personne qu’il racontera sa vie au juge.

Tout commence environ sept années plus tôt. Nous sommes dans une presqu’île de la région de Brest. Kermeur est conseiller communal socialiste et il vient de se faire licencier de l’arsenal en empochant une prime équivalente à un achat immobilier ou à un bateau. Sa femme France l’a quitté et il vit avec son fils Erwan âgé de dix ans à l’époque. Le maire lui proposera de le loger dans une petite maison vide attenante au parc du « Château » appartenant à la commune. En contrepartie, il entretiendra la propriété.

Arrive Lanzenac avec un projet immobilier; une station balnéaire. Le projet sera voté, le « château » sera détruit pour permettre le développement économique de la région. Lanzenac joue le grand prince, toute la région y croit.

Socialiste d’origine et de conviction, il est impensable pour Kermeur à l’époque d’investir sa prime dans de l’immobilier, il succombera pourtant à un appartement trois chambres avec vue sur mer. Cependant l’appartement tarde à sortir de terre.

Un roman magnifiquement construit qui décortique les tréfonds de l’humain. Manipulation, à la recherche de la faille de l’humain. Une plume dynamique, agréable. La tension monte progressivement au fil du récit. Il y décrit la noirceur de l’être et ce jusqu’à l’impensable.

Au plus profond de l’âme humaine.

Je l’ai lu d’une traite, retenant mon souffle à l’approche du dénouement final. Excellent roman. Un très grand livre couronné par le Grand Prix Lire de RTL.

Un gros coup de ♥

Les jolies phrases

On aurait dit qu’on le regardait en souriant piétiner nos plates-bandes, ces mêmes plates-bandes où nous tous on avait cultivé nos vies sans même connaître son existence, et où c’est sûr qu’on n’avait pas besoin d’engrais pour que ça pousse plus vite.

Et maintenant je dis : si on pouvait seulement entrevoir le démon dans le coeur des gens, si on pouvait seulement voir ça au lieu d’une peau bien lisse et souriante, cela se saurait n’est-ce pas ?

Peut-être que c’est Le Goff qui avait raison, que j’étais trop isolé ces derniers temps, alors le premier qui s’approche et rompt la solitude, on s’en fiche de savoir qui c’est, pourvu que tout s’engouffre et s’encastre en vous comme une pièce de puzzle que vous auriez découpée exprès pour qu’elle épouse les contours de votre âme. Voilà. C’est peut-être ça, la principale chose que j’ai apprise ces dix dernières années : qu’on finit toujours par aimer qui nous aime.

Ce soir j’ai eu le sentiment que tout s’enveloppait d’un seul mouvement, comme un tissu très serré dont on ne verrait plus les mailles, à cause de la façon dont ses paroles ont fini par sédimenter comme des alluvions au fond d’un fleuve.

J’ai refait cent fois le chemin dans ma tête, je vous jure que j’ai cherché quand les choses avaient basculé entre lui et moi et tout ce que j’ai trouvé six ans plus tard, là, devant vous, j’ai dit au juge, tout ce que j’ai trouvé, c’est d’ajouter « pour ainsi dire ». Parce que c’est un problème insoluble, de savoir quand quelqu’un comme lui s’approche de vous, de savoir à quel instant la piqûre a eu lieu.

C’est comme si le capitaine qui était censé habiter avec moi dans mon cerveau, c’est comme s’il avait déserté le navire avant même le début du naufrage. Et peut-être d’un lointain rocher, les yeux hagards, le capitaine qui a habité mon corps pendant plus de cinquante ans sans jamais trébucher, d’un coup il s’est éclipsé et alors, depuis la rive, il a regardé le bâtiment sombrer.

C’est vrai, il a bien fallu que tout tombe en même temps, vu que dans la vie si on regarde bien, tout converge en quelques points et puis le reste du temps rien, ou plutôt si, le reste du temps on paye les pots cassés.

Je sais que tu n’achèteras rien, je sais que tu n’as jamais su prendre une décision, mais n’oublie seulement pas qu’un jour il y en a une qui saura en prendre pour toi, de décisions, et celle-là, elle ne te demandera pas ton avis.

Retrouvez Nathalie sur son blog

partagez cette critique
partage par email
 
coup de coeur

Un roman chabrolien

Voilà un livre à lire et relire .
C’est un homme honnête, qui , après son arrestation, raconte à un juge le scénario d’un drame qui se termine en crime.
C’est l’histoire d’une arnaque, qui touche tout un village du Finistère . Les élus tombent les premiers dans les rets d’un beau parleur qui veut faire de leur environnement une station balnéaire : le St Tropez du Finistère. Cela est tellement bien amené que tous ces braves gens se prennent à y croire et même à investir.
Et puis c’est l’attente après la destruction des lieux familiers du bord de côte, une très longue attente, et le doute , pas partagé tout de suite, chacun pensant être le seul à peut-être s’être laissé berner.
Cet honnête homme, Martial Kermeur , qui vit seul avec son fils, s’aperçoit un peu tard que celui ci , bien qu’ado a tout compris, et qu’une vengeance le conduira en prison.
Et c’est à la suite d’une énième humiliation de l’escroc « aux chaussures italiennes « que Kermeur se décidera à faire justice.
Le juge écoute calmement le déroulé des faits et appliquera l’article 353 du code pénal… que le lecteur pas forcément au courant des arcanes de la Justice découvrira avec satisfaction.
J’ai tout de suite pensé à Chabrol en lisant ce livre , qui est avant tout le récit d’une tragédie humaine , déguisée en polar maritime.
Un très très grand livre.

partagez cette critique
partage par email