Canada
Richard Ford

Traduit par Josée Kamoun
Points
août 2013
500 p.  8,30 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Haut les mains! Le hold up littéraire de Richard Ford

« D’abord, je vais vous raconter le hold up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres, qui se sont produits plus tard. » Richard Ford démarre fort, et poursuit au même rythme. Avec « Canada », il signe non seulement un roman d’aventures, mais aussi un récit intimiste, ce qui peut paraître incompatible. Il manie pourtant les deux registres avec maestria.

Dell (le garçon) et Berner (la fille), deux jumeaux de 15 ans, se chicanent comme tous les enfants, mais ils aiment bien leur vie à Great Falls, cette petite ville du Montana. Leurs parents sont assez imprévisibles (ils n’imaginent pas encore à quel point), mais gentils, attentifs. Bref, le quotidien s’écoule sans remous dans la famille Parsons. Jusqu’au jour où une idée folle traverse la tête du père, et finit même par s’y installer. Pourquoi ne pas régler ses problèmes d’argent en tentant un hold up? Comme c’est simple! Il convainc sa femme de jouer les complices (elle se contentera de conduire la voiture), et voici nos Bonnie and Clyde de pacotille partis à l’attaque d’une banque du Dakota. Mal préparés, naïfs, ils se feront repérer, arrêter et emprisonner. Cette aventure ne constitue que le préambule de l’histoire que nous raconte un Richard Ford au sommet de son talent, et la suite monte crescendo: l’existence de Dell et Berner va bien sûr se trouver complètement bouleversée par l’inconséquence de leurs parents. Et tandis que Berner s’enfuira pour échapper aux services sociaux, Dell, lui, sera conduit par une amie de la famille chez le frère de celle-ci. Là, il découvrira ce que crapule veut vraiment dire.

Alors que les événements et les rebondissements s’enchaînent, Richard Ford ne néglige pas pour autant la psychologie des personnages, leurs états d’âme, leurs sentiments, leurs tourments. Il excelle dans ce travail d’orfèvre, car on partage avec Dell, cet immense sentiment de solitude qui l’engloutit lorsqu’il se retrouve à des milliers de kilomètres de chez lui, sans savoir ce que ses parents sont devenus, parqué dans un taudis. Il y a aussi de superbes pages sur la relation entre un frère et une sœur qui, même s’ils vivent à des kilomètres l’un de l’autre, se voient liés à jamais non seulement par leur sang, mais par la tragédie. Dans un interview qu’il donnait à la télévision américaine, Richard Ford estimait qu’il s’agissait là de son roman le plus ambitieux. Je crois bien qu’il a raison.

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