Ce qui n'est pas écrit
Rafael Reig

Traduit par Myriam Chirousse
Points
Bibliothèque hispanique
janvier 2014
290 p.  7,10 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un trio diabolique

De Manuel Vazquez Montalban à Arturo Perez-Reverte, l’Espagne a toujours couvé des auteurs sachant enraciner le polar dans leur culture, et mêler leur ambition littéraire à un regard singulier sur la société. A la suite de ces maîtres, d’autres portent le flambeau, tel Victor del Arbol récemment, ou Rafael Reig aujourd’hui, essayiste et critique littéraire dont le premier roman, “Ce qui n’est pas écrit”, apporte de belles promesses.

En un chapitre à peine, on est au coeur du malaise qui ronge son trio infernal : Carlos et Carmen, un couple de Madrilènes divorcés, mal remis du naufrage de leur mariage, et leur fils Jorge, ado mal dans sa peau, que sa mère élève seule. Ce week-end-là, le père emmène le fils pour une randonnée en montagne, laissant à son ex-épouse le manuscrit de son premier livre. A mesure qu’elle va lire – et nous avec elle – ce texte accouché au pire de leur crise, Carmen voudra y voir les prémices d’un drame.

Dans ce récit à trois niveau, où les extraits du livre de Carlos alternent avec le monologue intérieur de Carmen et le tête à tête père-fils, Rafel Reig brouille sans cesse les pistes. Chacun des trois personnages principaux est-il bien tel que les deux autres le perçoivent ? La fiction qui s’immisce dans l’intrigue, polar violent et baroque que Carlos a mis des années à accoucher, vient ébranler la routine et les certitudes de Carmen. Entre les sautes de tension et les ruptures de ton, cette guerilla psychologique familiale tient en haleine jusqu’à son final renversant.

Sous son sourire malicieux et sa moustache gourmande, Rafael Reig trompe son monde. Faussement bonhomme, il signe une fable dérangeante sur le poison du soupçon et de la culpabilité. Après avoir enseigné la littérature et dispensé des cours d’écriture créative, ce bourlingueur qui a déménagé une cinquantaine de fois, via la Colombie et les Etats-Unis, s’est enfin posé à Madrid pour ouvrir une librairie. Un choix judicieux, car cette nouvelle vie lui laisse le temps de travailler à d’autres romans.

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 Les internautes l'ont lu
on n'aurait pas dû

Mortelle randonnée.

Déception que ce livre de l’espagnol Rafael Reig : Ce qui n’est pas écrit.
On avait fait confiance aux éditions Métailié et à de bonnes critiques lues ici ou là, mais la paella hispanique n’était finalement pas à notre goût.
Tout cela partait pourtant d’une bonne idée assez originale puisque l’auteur fait s’entrecroiser trois histoires dans son bouquin.
Carlos et Carmen ont divorcé il y a quelques temps et ne sont plus en bons termes.
Carmen a cependant consenti (un peu à contre cœur) à ce que son ex-mari emmène leur fils en week-end pour une rando en montagne.
Carlos qui se pique d’être écrivain, lui a laissé un manuscrit à lire (Carmen travaille dans une maison d’édition). Et nous voici embarqués avec trois romans pour le prix d’un : l’histoire de la virée calamiteuse de Carlos et son fils, l’histoire écrite par Carlos (un polar qui pastiche les Orchidées de Miss Blandish) et l’histoire de Carmen qui lit l’histoire de Carlos.
Dès les premières pages on se doute que tout cela va très mal finir : Carlos carbure au whisky et la rando avec son fils fait immédiatement penser au roman de David Vann (une ombre qui pèse d’ailleurs lourdement sur le bouquin de Rafael Reig).
Le faux roman inclus dans le vrai ressemble fort à une lettre vengeresse de Carlos à son ex-femme et dès les premières pages, cette dernière commence à regretter d’avoir laissé son fils partir avec son père.
Après une mise en route laborieuse on se dit soudain que, ça y’est, on tient le bon bout quand le faux polar de Carlos (écrit forcément il y a quelques temps) commence à décrire des faits qui ressemblent étrangement à ce qui se passe aujourd’hui même dans la vie de Carmen …
Mais non, Rafael Reig ne réussit malheureusement pas à tirer tout le parti de sa bonne idée et chacune des histoires imbriquées se terminera aussi laborieusement qu’elle a commencé.
Les personnages sont à la limite de la caricature : un Carlos alcoolique et intransigeant, un fils faible et veule et une Carmen versatile et insignifiante.
Finalement, on en vient à penser avec sévérité (sans doute trop de sévérité) que le bouquin de Rafael Reig ressemble au faux polar de Carlos : pesant et glauque, maladroitement imbibé de whisky et inutilement épicé de sexe.

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