Ceux qui tombent
Michael Connelly

traduit de l'anglais par Robert Pépin
Le Livre de Poche
avril 2014
480 p.  8,40 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Connelly toujours aussi fin limier

Il est arrivé que l’on fasse la fine bouche devant tel ou tel roman de Michael Connelly moins convaincant que les précédents. S’agissant d’un auteur qui publie plus d’un titre par an en moyenne, depuis «Les égouts de Los Angeles» en 1993, et qui est soumis à un infernal régime d’obligations, tournées, festivals ou conférences, on hésite pourtant à se montrer trop sévère. Entre enquêtes policières et judiciaires, le créateur de l’inspecteur Harry Bosch et de l’avocat Mickey Haller a toujours su nous surprendre et reste l’un des plus lus au monde. Et la vraie interrogation est  : comment fait-il  ? Démonstration avec «Ceux qui tombent», qui succède en France à plusieurs opus salués comme réussis («L’épouvantail» en 2010, «Volte face» en 2012, «Le cinquième témoin» en 2013). Cette fois, c’est l’inspecteur qui est aux commandes.

La cinquantaine largement entamée, l’approche de la retraite le ronge, même s’il ne se sent pas prêt à rendre son insigne. Grosse remise en question dont Connelly fait un moteur. Ou comment positiver lorsque son héros, inévitablement, vieillit…

Appelé sur la mort mystérieuse du fils d’un notable de Los Angeles, Bosch y flaire un fond de corruption et subit très vite des pressions politiques. Privilège de l’âge : il a l’expérience pour passer outre. En parallèle, il est hanté par une affaire non résolue : le viol et le meurtre d’une adolescente, vingt ans auparavant. Aucun lien avec l’autre dossier, sinon qu’il trouve également dans sa vie personnelle la force de tenir bon : voir sa propre fille grandir et gagner en autonomie ne fait que renforcer sa détermination.

Les ingrédients humains du roman, simples, presque basiques, sont mis en valeur par une sécheresse dans l’écriture qui bannit tout débordement, tout effet gratuit. Les émotions naissent des évènements ou affleurent dans les dialogues. Comme lorsque Bosch téléphone aux parents d’une victime : aucun pathos exprimé dans l’échange, et pourtant la tension est perceptible. Ancien journaliste attaché aux affaires policières, l’auteur suit sa ligne directrice : priorité absolue aux faits.

 En optant pour le polar de procédure, Connelly a choisi la pente la plus raide. Il s’impose le plus stimulant des exercices créatifs – être original dans un cadre rigide – mais s’interdit toute erreur dans les détails. Ses armes  : des années d’archives de presse et des recherches qu’il bétonne à chaque livre, sollicitant les conseils de spécialistes pour déjouer les incohérences. Lorsque ce roman est sorti aux Etats-Unis, une vidéo diffusée sur son site le montrait sur la scène de crime, à l’hôtel Château Marmont, en train de cuisiner deux vrais flics du LAPD sur son scénario avant de passer à l’écriture. Les voilà, les clefs de son efficacité:  ce gros bosseur a gardé l’âme d’un limier.

 Lien vers la vidéo (en anglais)  :
http://www.youtube.com/watch?v=9FOHW9baNqY

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