Comment tirer sa révérence
Malcolm Mackay

Traduit par Fanchita Gonzalez Batlle
Le Livre de Poche
octobre 2013
336 p.  7,10 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Dans la peau d’un tueur à gages

Comment pense un tueur à gages ? Comment occupe-t-il ses journées lorsqu’il n’est pas en train de planifier ou d’exécuter un assassinat ? Quel sentiment éprouve-t-il pour ses employeurs, ses collègues du milieu, ses amis et sa famille s’il en a ? En janvier dernier,  Malcom Mackay nous avait bluffés en répondant à ces interrogations dans « Il faut tuer Lewis Winter », récit du quotidien de Calum Mclean, homme de main ambitieux et indépendant, dont un gros truand voulait s’attacher les services exclusifs. Son talent singulier éclate aujourd’hui dans « Comment tirer sa révérence », deuxième volet de sa trilogie des bas-fonds de Glasgow, pour laquelle son éditeur britannique a mis sur la table quelque 100.000£ (soit plus de 116.000 euros).

A lire le jeune Ecossais, on pourrait croire qu’il a lui-même semé quelques cadavres sur sa route, depuis ses Nouvelles-Hébrides natales, tant sa description du milieu est d’un réalisme saisissant. Pourtant, ce jeune  romancier de 31 ans que l’on dit timide, que ses photos révèlent souriant et poupin, et qui vit banalement chez ses parents, n’a de mortel que son imagination.

Dans le précédent volet, Colum, 29 ans, a rempli son contrat avec un souci maniaque du détail et de la discrétion, convainquant de sa fiabilité un patron de discothèque qui veut régner sur la ville, Peter Jamieson. Son ascension éclair dans la hiérarchie du crime menace la position dominante de Frank MacLeod, un sexagénaire couleur muraille, qui a refroidi sur commande des dizaines de ses concitoyens sans jamais éveiller les soupçons de ses voisins, ni de la police.

Ce deuxième volet est la chronique d’un chassé-croisé. D’un côté le vieux tueur dont le temps a émoussé les réflexes, de l’autre son jeune successeur qui agit, lui, avec une précision clinique et une froideur infaillible. Frank a foiré son coup, Colum répare les dégâts, scruté par Peter et son bras droit…

Le style obsessionnel, quasi hypnotique, de Malcolm Mackay, souligne le vide sidéral de l’existence de ses personnages : ces tueurs sont, eux-mêmes, comme déjà morts. Il dégage aussi une esthétique très cinématographique, qui rend supportable la noirceur absolue du propos. On pense bien sûr à « Drive », de Nicolas Winding Refn, mais aussi parfois à John Cassavetes (« Meurtre d’un bookmaker chinois ») ou Martin Scorsese (« Mean Streets »).

Cet art d’étirer le temps, de donner du sens en accumulant les petits riens, a éveillé la curiosité de producteurs qui ont acheté les droits du livre pour une possible adaptation. Que le film se fasse un jour est une autre histoire. Mais leur option est une première reconnaissance pour ce romancier qui apparaît comme la révélation de l’année au rayon noir.

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