Constellation
Adrien Bosc

Prix de l'Académie française
Le Livre de Poche
août 2014
216 p.  7,40 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’avion des stars

Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1949, le Constellation F-BAZN, le nouvel avion d’Air France, se crashe dans les Açores, sans raison apparente. Il n’y aura aucun survivant malgré les premières rumeurs. Pas même le héros national et prince du ring Marcel Cerdan. C’est à cette catastrophe aérienne qu’Adrien Bosc a décidé de consacrer « Constellation », son premier roman. Sans chronologie fastidieuse, ni abondance de détails techniques. Avec délicatesse et bienveillance. Car c’est bien à l’humain que s’intéresse Adrien Bosc. Aux quarante-huit passagers de ce vol Paris-New York et à leurs projets outre-atlantique abîmés sur le Mont Redondo.

« L’avion des stars », voilà comment est surnommé le Constellation. Bien sûr, il y a l’histoire de Marcel Cerdan. « Prends l’avion, le bateau c’est trop long ! » le supplie Edith Piaf qui se trouve à New York et se languit de lui. Le boxeur part avec quelques jours d’avance, expulse même trois passagers pour avoir une place dans l’avion. Il voudrait arriver à New York le 28 octobre au matin et passer la journée avec sa bien aimée. Ginette Neveu, la violoniste prodige, est aussi à bord, ainsi que Bernard Boutet de Monvel, aristocrate désabusé et peintre talentueux. Adrien Bosc ne se cantonne pas aux célébrités. Il raconte aussi l’histoire des autres passagers, et constitue ainsi une mosaïque de personnages aussi éclectiques qu’intéressants. Dans les « anonymes », il y a les bergers basques et la petite bobineuse de Mulhouse, le créateur des produits dérivés Walt Disney, le mari malheureux qui joue sa dernière carte et rentre à New York reconquérir sa femme. Adrien Bosc rend à ces malheureux leur existence et leur relief. Il reconstitue des petits morceaux de vie tombés dans l’oubli, happés par le crash.

Mais la vraie vedette du roman ce n’est pas Marcel Cerdan ni Ginette Neveu. Ni le Constellation. C’est le hasard. Au-delà de l’anecdote, du passé des passagers, de la façon dont a été gérée la catastrophe, la musique du hasard revient par touches tout au long du roman, comme un timide refrain. Pourquoi cet avion, dirigé par un bon pilote, volant par une météo clémente, s’est-il fracassé contre un pic dans les Açores ? La probabilité était quasi nulle. Ne serait-ce qu’une accumulation de simples coïncidences ? Mourir dans un crash était-il le destin de ces passagers ? Adrien Bosc répond à ces questions en les ramenant à sa propre expérience, à ses propres interrogations.

Un roman sobre et original, étonnant et intrigant. Un roman à lire.

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coup de coeur

Le destin des Etoiles

Constellation: nom féminin qui désigne un groupe apparent d’étoiles ayant une configuration propre. Au sens figuré, ce mot peut indiquer une réunion de personnes illustres. Voici la définition du mot constellation ainsi que le titre et le sujet de ce roman. Cet ouvrage évoque le crash du Constellation, -cet avion élitiste, symbole de modernisme technologique-, qui a eu lieu le 27 octobre 1949, et rend hommage aux quarante-huit personnes disparues à son bord. Cet ouvrage est le magnifique résultat d’un travail journalistique sur le passé de ces passagers et peut s’apparenter à un album, une esquisse mise en œuvre pour faire revivre, le temps de quelques pages, les disparus du Constellation. Adrien Bosc nous interroge sur les notions de destin et de hasard à travers les trajectoires des passagers de l’avion. La tension narrative est à son comble lorsque l’on comprend que certaines personnes n’auraient pas dû prendre ce vol ou que pour d’autres, ce vol était synonyme d’un nouveau départ. On pense alors à Marcel Cerdan, qui a pris cet avion précipitamment, après les suppliques d’Edith Piaf. Que dire également de Françoise, qui, ayant échappé à la mort dans un accident de voiture, décide de donner un second souffle à sa vie en rejoignant Cuba. Ironiquement, c’est là qu’elle périra. Constellation évoque également ces hommes et femmes qui devaient être dans cet avion et qui, leur bonne étoile veillant sur eux, ne pourront pas. Elles ont eu la vie sauve, mais pourquoi elles et pas les autres? Par quel hasard ont-elles échappé à ce vol? Le lecteur comprend toute la force du destin. Tout, dans ce roman, prend sens. Des évènements, apparemment sans lien, se font écho. Le livre est passionnant, très bien construit, avec une écriture limpide, condensée et des citations parfaitement choisies pour introduire le récit et mettre en valeur la force tragique. Les chapitres sont brefs, concis, petites comètes qui illuminent Constellation. Un roman fascinant qui rend hommage à ces quarante-huit étoiles reliées par le destin.

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Hasard et nécessité

Il y a des livres qui ne mangent pas de pain.
Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient indignes, ni même inintéressants.
Sujet « facile » et traitement itou.
C’est tout.

De ce point du vue là , l’accident d’avion c’est pain béni.
Accident de la route égale sang , corps broyés, trivialité. Accident d’avion égale souvent désintégration dans les airs -tout de même moins gore- mystère et fatum.
Infiniment romantique.
Eh bien oui, ceux qui ont raté cet avion où au contraire fait des pieds et des mains pour l’attraper, par exemple… cela nous laisse rêveurs, vaguement philosophes, c’est l’infini à la portée des caniches , comme disait l’autre.

Dans « Constellation », Adrien Bosc s’attache aux destinées des quarante et quelques passagers qui avaient le 27 Octobre 1949 embarqué sur l’avion du même nom, disparu corps et bien au dessus des Açores.
L’accident est resté dans les esprits car à bord il y avait une grande vedette française, qui partait à New-York reconquérir son titre et le coeur de la Môme Piaf, Marcel Cerdan bien sûr.
Ce que le grand public sait moins c’est qu’il y avait également une extraordinaire artiste, une très grande violoniste dont on peut pleurer la mort à trente ans alors qu’elle était clairement en train de s’inscrire dans la lignée des grands interprètes du 20e siècle.
Je l’écoute en vous écrivant et j’en ai des frissons dans le dos.
Ginette, c’était quelqu’un.
Ginette Neveu.

De cette conjonction en elle-même étonnante -deux passagers si connus sur un groupe somme toute restreint- Adrien Bosc s’est passionné au point d’enquêter de façon apparemment assez sérieuse, détricotant les destinées emmêlées des victimes et recherchant par exemple le fils américain d’un des passagers :

J’avais écrit au hasard et finalement je ne m’attendais pas à le trouver si rapidement. Et d’ailleurs, en me relisant, j’avais un peu honte. Abrupt, je le sollicitais sans réelle précaution, n’imaginant pas une seconde l’étrangeté, soixante-quatre ans après ce qui fut sans nul doute le drame de sa vie, de l’objet de cet email ; « Ernest Lowenstein ». Il y avait un côté chacal, journaliste justement.

D’aucuns ont décrit son ouvrage comme un long article d’esprit journalistique, je ne serai pas aussi sévère : j’ai pris plaisir à cette lecture, et l’effet mystérieux-accident-d’avion a marché à fond pour moi.

Ce que met en relief Adrien Bosc , c’est que tout itinéraire interrompu par une mort accidentelle et cruellement précoce prend un caractère épique de facto.

Et c’est vrai que tous les passagers semblaient avoir quelque chose de spécial : deux jeunes basques qui émigrent ainsi qu’une jeune ouvrière française partie exporter son expertise, des couples séparés au moment de se rapprocher, un homme parti solder ses comptes américains à la demande expresse de son épouse, une femme qui retourne chercher ses enfants après être venue régler une succession en France, un militaire ayant bravé bien des dangers, ceux qui auraient dû prendre l’avion -Etienne Vatelot, le luthier parisien- ceux qui n’auraient pas dû le prendre, Marcel en l’occurrence, qui pressé par la hâte amoureuse d’Edith Piaf , renonça à une traversée en paquebot , jugée trop lente …

Hasard et fatalité.
Il n’y a pas que Ginette et Marcel , somme toute, dans cette affaire.

Exactement à la même heure, ce soir du 8 Novembre 1949, salle Gaveau, et pour la première fois à Paris, la cantatrice anglaise Kathleen Ferrier donne un récital. Et l’incomparable voix de Klever Kaff résonne comme une messe de requiem dans la salle de concert. Magie de la synchronicité, deux femmes prodiges, l’une violoniste, l’autre contralto, réunies par la coïncidence d’une date, se répondent de profundis. L’occurrence simultanée de ces deux évènements qui ne présentent aucun lien de causalité, l’arrivée des dépouilles du F-BAZN à Paris et le récital de la chanteuse anglaise ce même soir, à la même heure, prend la forme d’un de ces nombreux hasards objectifs, omniprésents, invisibles à nos yeux jusqu’à leur rapprochement, tout comme ces astres scintillants dans le ciel agglomérés en constellation par l’oeil et l’esprit. Des points numérotés et reliés d’un cahier de coloriage. Coïncidence forcée ou force du destin, nul ne sait, sinon qu’à ce jeu des dates les plus incroyables associations naissent.

Précisons enfin que cet ouvrage a reçu le prix de l’Académie Française, ce qui , ouf , relève le niveau après la calamiteuse distinction de « L’affaire Harry Québert » l’an passé.
Là, c’était indigne (ne serait-ce que d’un point de vue grammatical.

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Hasard, destinées et coïncidences…

Croyez-vous au destin ? Au hasard ? A chaque fois qu’une catastrophe se produit quelque part dans le monde, parallèlement à l’événement, les petites histoires passionnent. Les concours de circonstance, les enchaînements de petits faits insignifiants qui, mis bout à bout se révèlent impitoyables… Dans « Constellation », Adrien Bosc s’attache à dénouer les fils du destin.

Au delà du drame lui-même, en l’occurrence le crash du nouveau fleuron d’Air France, baptisé Constellation, le 27 octobre 1949, l’auteur s’intéresse aux quarante-huit personnes présentes ce jour-là dans l’avion. Le grand public n’a retenu qu’un seul nom, celui de Marcel Cerdan, en route pour New York où il devait combattre quelques semaines plus tard et surtout retrouver Edith Piaf, en pleine tournée américaine. Non, plutôt deux noms car la grande violoniste Ginette Neveu était également à bord. A trente ans à peine, elle était déjà mondialement connue depuis sa première apparition sur scène à douze ans. Ce sont donc deux monstres sacrés qui ont trouvé la mort ce jour-là… Comment ? Pourquoi ? Adrien Bosc retrace leurs parcours respectifs. Cerdan aurait dû prendre un bateau un peu plus tard mais Piaf était trop impatiente… Il a donc sauvé la vie de trois passagers restés au sol lorsqu’il a fait valoir son droit de priorité auprès de la compagnie. Ginette Neveu devait voyager en compagnie d’un jeune apprenti luthier déterminé à la suivre pendant sa série de concerts aux Etats-Unis afin de mieux comprendre son jeu et s’occuper de ses instruments. Au dernier moment, elle lui a demandé de la rejoindre plus tard… Encore une vie sauvée.
Et les autres passagers ? Les onze membres d’équipage ? L’auteur les fait revivre eux-aussi, rappelant ainsi qu’ils étaient des femmes et des hommes, avec des histoires, des passés et des projets d’avenir. Certains partaient à l’aventure, d’autres à la reconquête de leur épouse, d’autres encore pour régler des affaires, solder une partie de vie avant d’en commencer une autre. Certains se trouvaient là par « chance », d’autres par nécessité. Il y avait des bergers basques, une bobineuse alsacienne, l’inventeur des produits dérivés Disney, un journaliste canadien, des pilotes héros de guerre… Des êtres humains qui vivaient et qui aimaient. Adrien Bosc cherche ce qui les a réunis ce jour, creuse les circonstances, les envies et les contraintes… En parallèle, il suit l’enquête diligentée par la compagnie et les états concernés (l’avion s’est abîmé sur une petite île des Açores) : quel enchaînement de faits pour en arriver là ?

Coïncidences ? Par le jeu des dates, l’auteur parvient à relier les êtres et les moments de façon aussi troublante que poétique sans jamais cesser de se demander s’il est possible que tout soit écrit d’avance… Qui n’aimerait pas le savoir ?

Un très bon moment de lecture, intéressant et assez surprenant dans son contenu qui mêle à l’enquête et à la reconstitution autour des passagers, aussi bien des réflexions sur les « hasards objectifs » que des références poétiques. Je comprends pourquoi il figurait dans la première sélection du Goncourt… Mais apparemment tel n’était pas son destin…

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