Contrecoups
Nathan Filer

MICHEL LAFON
août 2014
 19,95 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
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Un premier roman étonnant et maîtrisé

Matthew a 19 ans et est hanté par la mort de son frère, une dizaine d’années auparavant. Par les souvenirs et la culpabilité. Par la voix de Simon, qu’il croit entendre. Par la maladie, aussi. Car Matthew est schizophrène. Pour mieux comprendre sa vie et sa maladie, pour mieux affronter le vide et sa famille détruite, il dessine et écrit. Il raconte son enfance, les derniers moments de Simon, les premiers moments de sa propre maladie. Il raconte les difficultés de ses parents face à la perte de leur enfant, le repli sur soi, les réactions des uns et des autres. Il raconte aussi l’hospitalisation, les médicaments qui brouillent l’esprit, l’infantilisation, les journées toujours identiques et vides, ses tentatives d’émancipation.

Ce n’est pas un roman facile. Par son thème, bien sûr. Par sa narration temporellement éclatée, Matthew effectuant des va-et-vient entre le passé et le présent. Par sa mise en page, également, puisqu’il tape parfois son histoire sur une vieille machine à écrire ou y ajoute des illustrations. Par le fait qu’il nous plonge dans l’esprit, confus, du narrateur, enfin. On ne sait pas, parfois, si on est face à un souvenir réel ou à une hallucination. Lecture ardue, donc, mais qui mérite que l’on s’y attarde. Une fois plongée dedans, j’ai été happée et n’en suis plus sortie avant de refermer le livre, tard dans la nuit. Cette construction à première vue compliquée est en fait très intelligente, tant l’écriture colle au sujet et à la peau de Matthew. Tout semble tellement juste que j’avais l’impression d’être réellement dans sa tête, passant d’une idée à une autre, ruminant certaines pensées. Tout cela dénote un travail de recherche conséquent et un respect certain du patient. (Recherches effectuées, il s’avère que Nathan Filer travaille dans ce domaine; on comprend mieux.)

J’ai été touchée par Matthew. Très touchée. La vie s’acharne sur lui (maladie, deuil, solitude), mais il garde non seulement l’espoir de vivre mieux, mais également -même s’il peut parfois agir égoïstement ou sembler brutal ou agressif- la capacité et le souhait de s’effacer et de se mettre au service des autres. A ce sujet, les dernières pages sont très émouvantes. J’ai en outre particulièrement aimé le personnage de sa grand-mère, petit bout de femme toujours là pour l’aider (trop, peut-être? hé! c’est une mamie!), malgré son âge et la difficulté de la situation. Les parents font quant à eux naître des sentiments ambivalents, par leurs actions ou paroles, mais quand on songe à ce qu’ils ont vécu, et vivent encore, c’est finalement une grande compassion et une profonde empathie que j’ai ressenti à leur égard, malgré le côté très (très) étouffant de la mère. Au final, tous ces personnages, à des degrés divers, m’ont plu, tous m’ont séduite et paru vrais.

L’auteur aborde deux thèmes difficiles, mais à aucun moment il ne tombe dans l’excès et dans le pathos. Le roman reste donc, de bout en bout, très agréable à lire. Il en ressort énormément d’émotions, des serrements de cœur parfois, mais aussi pas mal d’humour, lorsque Matthew aborde la vie quotidienne, répétitive et ennuyeuse, au sein de l’hôpital notamment.

Ce premier roman, à la fois émouvant et captivant, est une réussite totale qui mérite amplement le prix obtenu en VO et que je vous souhaite vivement de découvrir.

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