De si jolies ruines
Jess WALTER

traduit de l'anglais par Jean Esch
10 X 18
août 2014
480 p.  8,80 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Boulevard du crépuscule

« Nos histoires partent dans toutes les directions, mais parfois, quand on a de la chance, elles se rejoignent et n’en forment plus qu’une. » Cette phrase prononcée au début du nouveau roman de Jess Walter le résume assez bien. Dans « De si jolies ruines » des idylles se dénouent pour se former à nouveau, les  personnages se rencontrent, se perdent pour se retrouver.

Tout commence lorsque débarque en 1962 à Porto Vergogna, petit village perdu de la côte italienne, la ravissante Dee Moray. La jeune actrice a quitté précipitamment le tournage de « Cléopâtre » après qu’on lui ait diagnostiqué une maladie grave. Souffrante et triste, elle se morfond dans l’unique hôtel du coin et se confie au propriétaire des lieux, le très discret Pasquale Tursi. A ses dires, un ami, comédien célébrissime, devrait la rejoindre prochainement. En effet, arrivent à sa suite le producteur Michael Deane et … Richard Burton, dont mademoiselle Moray porte l’enfant.

Cinquante ans plus tard, Michael n’est plus qu’une ancienne gloire d’Hollywood. Il ne produit pratiquement plus de film et s’est en partie reconverti dans la téléréalité. Mais son passé  revient en boomerang lorsque Pasquale Tursi vient frapper à sa porte. Le vieil Italien est à la recherche de la femme qui a illuminé son existence : Dee Moray. Deane va mettre tout en œuvre pour trouver la comédienne car, cinq décennies plus tôt,  c’est lui qui a manipulé tous les protagonistes de cette affaire pour sauver le tournage du désastreux  « Cléopâtre », détruisant, à leur insu, la vie de Pasquale, Dee et bien d’autres…

Entre l’Italie et la cité du cinéma, dans un aller–retour subtil entre passé et présent, Jess Walter construit une intrigue aux saveurs de rédemption. Ses héros ont, pour la plupart, abandonné leurs aspirations, mais n’y ont pas totalement renoncé.  Leurs rêves d’antan ont la vie dure et chacun parviendra, à sa manière, à accomplir ce qui l’a porté autrefois.

S’il dépeint ses personnages avec affection, Walter brosse en revanche un portrait acéré d’ Hollywood. Machine à  broyer les êtres, miroir aux alouettes, où le reniement est la règle, l’apparence et les faux-semblants la loi. Il raille aussi ce recours systématique à la chirurgie esthétique qui fait qu’un « homme de soixante-douze ans a le visage d’une Philippine de 9 ans. »

« De si jolies ruines » allie avec talent le mordant de la critique avec le charme d’une comédie romanesque.

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