Le dernier seigneur de Marsad
Charif Majdalani

Points
août 2013
209 p.  6,30 €
ebook avec DRM 6,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’héritage impossible

Avant l’enlèvement de Simone, sa fille préférée, Chakib Khattar vivait en paix. À Marsad*, un quartier à l’ouest de Beyrouth, le riche notable chrétien régnait en maître absolu. Son unique préoccupation était la prospérité de son entreprise de marbre. Déçu par les siens, il avait fait d’Hamid, le fils de son régisseur, son bras droit. Il avait tout prévu… Sauf le coup de foudre entre Hamid et Simone. Les deux amants s’enfuient. L’incident fait grand bruit : la jeune fille est déjà promise à un autre, et le mariage de déclassement est interdit. Lorsque leur fuite prend fin, Chakib Khattar bannit Hamid.

Mais l’amour n’est ici qu’un prétexte pour raconter une autre histoire, celle de Chakib et de ses descendants. À partir de 1975, le Liban bascule dans la guerre civile. Les miliciens s’installent, Beyrouth s’embrase. Alors que ses voisins et même sa famille partent vers l’Est, Chakib refuse de laisser ses terres. Le patriarche reste dans sa maison de Marsad et voit ce qu’il a lui-même construit, se dissoudre peu à peu. Les murs tremblent mais lui n’abandonne pas. Et sous ses yeux les bombes, les feux de mitraillettes, le désordre, le chaos, l’anarchie.

Charif Majdalani a choisi cette période troublée de l’histoire libanaise, à juste titre. Dans la veine de ses précédents romans, il livre un travail remarquable sur la « géographie humaine ». Il explore le douloureux passé d’un pays, et d’un quartier en particulier, où vivait un peuple chrétien orthodoxe, confronté au conflit, à l’exode, et au rachat de ses terres. Ce qui l’intéresse, c’est le remplacement d’une population par une autre, et la nouvelle organisation, politique et économique, d’un territoire. À Marsad, les chrétiens deviennent minoritaires, et le héros assiste, impuissant, à la fin d’un monde. Mais ce roman raconte aussi l’histoire d’un père à la recherche d’un héritier. La seule chose qui importe à Chakib est la gloire de son nom, et aucun de ses fils ne se montre à la hauteur de ses aspirations. La vanité, le mensonge et l’abus de pouvoir auront raison de lui.

Après mûre réflexion, on ne vous conseille pas de lire Majdalani. Ou plutôt si, mais lisez-le à voix haute. Dire ses textes permet d’apprécier toute la musique et l’harmonie de sa langue. Son quatrième roman ne déroge pas à la règle et fait de cet auteur, un conteur d’exception.

* Quartier imaginaire, inspiré de celui de Mazra, d’où est originaire la famille de l’auteur.

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