Dieu me déteste
Hollis SEAMON

Traduit par Marie de Prémonville
10 X 18
mars 2014
234 p.  7,10 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

Il est des livres qu’on hésite à ouvrir. Parce qu’ils font un peu peur. Parce que le sujet paraît trop grave. L’Américaine Hollis Seamon devait trouver le ton juste : drôle, vif, terriblement humain. Et il en fallait de l’humanité pour raconter l’histoire de Richard. Un adolescent de 17 ans, un peu casse-cou, un peu frimeur, un peu obsédé sexuel aussi. Peut-on le lui reprocher ? Il n’a que 17 ans. Et vit dans un service de soins palliatifs. Oui, Richard va bientôt mourir, il est atteint d’une maladie incurable et ce n’est un secret pour personne. Ni pour sa mère, ni pour son adorable et compréhensif infirmier, ni surtout pour lui-même. Richard n’a plus beaucoup de temps, alors il faut en profiter jusqu’à la lie, malgré la douleur, malgré l’épuisement qui ne le lâche jamais vraiment. Sa chance, c’est d’être follement aimé. De sa mère d’abord, qui tente tant bien que mal de cacher à son fils sa terrible souffrance, de sa grand-mère, excentrique et si compréhensive. De son oncle farfelu qui l’embarque dans une virée, le fait boire et lui présente des filles. Mais Richard n’a d’yeux que pour Sylvie, sa voisine de chambre, sa voisine de malheur. Si leur chemin se croise, ils savent tous les deux qu’il ne mènera pas très loin. Alors, ils vont s’aimer malgré la maladie, malgré les adultes qui ne comprennent rien. Richard devra se battre, au sens propre comme au figuré, contre le père de la jeune fille devenu fou. L’amour donne du courage, et ces Roméo et Juliette n’en manquent pas. Leur volonté de savourer chaque seconde l’emporte sur tout le reste. On referme le livre le cœur serré, un peu gêné en fait d’oser encore se plaindre. En se promettant de penser quelquefois à ce jeune homme, ce Don Quichotte qui mène une bataille magnifique mais perdue d’avance.

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La fin de vie, c’est encore la vie

Le héros de ce récit est un tout jeune homme sur le point de fêter ses dix-huit ans. Comme tous les garçons de son âge, il aime s’amuser et dire des bêtises, il apprécie de boire une bière ou un coca, de manger des bonbons, de faire une partie de poker lorsque l’occasion se présente, il découvre les premiers émois amoureux…
Oui mais voilà… Richie vit dans une unité de soins palliatifs. Atteint d’un cancer, il ne soufflera sans doute jamais ses dix-huit bougies. D’autres malades l’entourent. Certains sont âgés : ils ont au moins vécu avant d’arriver là… Et il y a Sylvie. A quinze ans, elle possède une force, un instinct de vie à nul autre pareil. Ces deux-là sont bien décidés à ne pas se laisser déposséder de la moindre once de vie qui leur appartient.
Ces deux jeunes gens vont, non pas tourner le dos à la mort, mais la tenir en respect pour qu’elle ne leur vole rien avant que n’arrive son heure. Par leur fougue, ils vont remettre de la vie dans un service hospitalier qui ne la considère plus que comme un bien qu’ils croient préserver en la mettant sous cloche.
Oui, ils sont malades, ils nécessitent des soins intensifs. Mais non, cela ne justifie en rien de les priver de l’intimité qui leur est indispensable comme à tout ado, ni des plaisirs de l’existence qu’ils pourraient encore goûter.

Mais le plus difficile est de le faire comprendre aux autres, famille et personnel soignant. Pour ceux-ci, il importe de durer, de faire reculer le plus possible l’inexorable issue. Pour eux, quelques jours, quelques heures gagnés sont une morne victoire. Alors que pour ces adolescents dont l’âme est pleine de sève, qu’importe de durer un peu si c’est au prix de l’ennui et de la sagesse qui sont si étrangers à leur âge ?

Ce livre, jamais larmoyant et très juste, me semble-t-il, nous invite à considérer les malades comme des individus à part entière, exigeant que leur dignité et leur libre-arbitre soient respectés. Il nous suggère de mettre au second plan l’immense douleur qu’on ressent inévitablement lorsqu’on accompagne un être aimé au seuil de la mort pour donner du sens à chacun des précieux instants qui restent à vivre.
Sans doute est-ce beaucoup demander à un individu, en particulier lorsque c’est son propre enfant qu’il va perdre.
Mais l’auteur nous permet, avec élégance et finesse, d’envisager une réflexion sur le thème de l’accompagnement en fin de vie, un sujet pourtant bien difficile à aborder.

Si j’avais un seul bémol à formuler, il concernerait la traduction. Le jeune héros est un Américain. Il a les tics de langage d’un ado de son pays, et il aurait été judicieux de les adapter pour qu’on ne ressente pas ce décalage linguistique. J’avoue que cela m’a un tout petit peu gênée au début. Ce livre parle en effet d’une expérience universelle. Cette unité de soins palliatifs pourrait se trouver n’importe où au monde.
Mais que ce détail ne vous empêche pas de vous saisir de ce livre plein de grâce…

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