Docteur Sleep
Stephen King

Le Livre de Poche
octobre 2013
768 p.  9,40 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les mémoires d’outre-tombe !

Demandez à Stephen King pourquoi il a choisi de retrouver le personnage de Danny et il vous répondra, le plus simplement du monde, « parce que son histoire n’était pas terminée ». Débutée en 1977 dans le cultissime « Shining », immortalisée par l’adaptation de Kubrick et l’interprétation hallucinée de Jack Nicholson, cette histoire, terrible s’il en est, aurait pu s’achever dans les ruines encore fumantes de l’hôtel Overlook, si son créateur n’avait lui-même été hanté par la famille Torrance. Travaillé par ses démons et la peur de suivre le même chemin que son père, un écrivain raté, alcoolique notoire, Dan choisit à la mort de sa mère Wendy de s’installer dans une modeste bourgade du New Hampshire où il tente de faire une croix sur l’alcool et choisit de mettre ses pouvoirs au service de patients en fin de vie qui l’ont surnommé « Docteur Sleep ». Cette existence de trentenaire rangé se voit néanmoins bouleversée par Abra Stone, une jeune fille de douze ans dotée d’un shining considérable et persécutée par une horde de vampires qui sillonnent le pays en caravanes et survivent en se nourrissant de l’énergie psychique des enfants qui, comme Abra, possèdent un don. L’improbable duo s’engage alors dans une lutte sans merci, déséquilibrée à bien des égards, et dont l’issue ne peut être que funeste.

There is something rotten in the (United) State of America. D’Edgar Allan Poe à Stephen King, en passant par Anne Rice et Lovecraft, « le plus grand artisan du récit classique d’horreur du vingtième siècle » pour l’écrivain aux 350 millions d’exemplaires vendus, la littérature américaine a décidément le chic pour créer et mettre en scène les créatures d’outre-tombe les plus efficaces qui soient. Cette tribu de méchants ne déroge pas à la règle : d’autant plus perverse qu’elle possède un petit côté rock’n’roll plutôt sympathique (il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les pages de dialogues entre ses membres), sa cruauté fascine et horrifie, dans les scènes de torture notamment. Si l’on a parfois l’impression que l’auteur a eu du mal à se détacher du best-seller originel, ce nouvel opus nous tient en haleine grâce à des procédés très différents de son illustre prédécesseur. Roman claustrophobe, « Shining » enfermait son lecteur dans un espace confiné et rendu maléfique par ses habitants, morts (ou) vivants, à la manière du « Psychose » d’Hitchcok. Beaucoup plus ouvert, « Docteur Sleep » exploite l’immensité du territoire américain pour engager un contre-la-montre haletant. L’addiction reste néanmoins au cœur du récit : dépendance envers l’alcool pour Danny, envers le shining des enfants pour les vampires, dépendance d’Abra envers Danny puis de Danny envers Abra, qui lui offre une chance de racheter sa vie d’errance et ses erreurs passées. Digne suite, « Docteur Sleep » possède tous les atouts pour fédérer une nouvelle génération de fans.

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