Euphoria
Lily KING

traduit de l'anglais par Laurence Kiefé
10 X 18
litt. etr.
février 2016
312 p.  7,80 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Tempête (amoureuse) sous les tropiques

Pour « Euphoria », Lily King s’est inspirée de la vie passionnante de l’anthropologue américaine Margaret Mead. En 1933, au nord de l’Australie, sur l’une des plus grandes îles de l’océan Pacifique appelée alors Nouvelle-Guinée, un trio d’anthropologues étudie les tribus le long du fleuve Sepik, sous contrôle australien. Entre rivalités scientifiques et questionnements éthiques, une passion amoureuse se noue, aussi intense qu’une tempête équatoriale.

Fen et Nell Stone, un couple d’anthropologues australo-américain, rencontrent Andrew Bankson, un confrère anglais, alors qu’ils s’apprêtent à rejoindre l’Australie la veille de Noël 1932, épuisés, malades et abattus après un an et demi passé à explorer les rives du fleuve Sepik. Bankson, lui aussi sur place depuis deux ans, les convainc de rester, et les conduit chez les Tam, une tribu qui accepte leur présence. Des trois, c’est incontestablement Nell la plus brillante, elle qui a déjà publié un livre sur la sexualité des enfants indigènes : un scandale dans l’Amérique puritaine. Jeune femme libre et intrépide, elle exerce son métier avec humanisme, dans une conception culturaliste. Elle est vite adoptée par la communauté Tam, innovant dans sa pratique ethnographique en jouant avec les enfants et en se liant d’amitié avec les femmes qui l’initient à leurs rites. Fen vit dans l’ombre de sa femme ; pendant que celle-ci recueille des centaines de notes, observe et réfléchit à une théorisation, il prend part à la vie quotidienne des indigènes, boit et fume avec les hommes, au point d’en oublier la raison de sa présence. Quant au sceptique Bankson, il languit sur une autre rive, accumulant des réflexions qui n’aboutissent à aucune synthèse scientifique. C’est par ses visites à ses nouveaux voisins qu’il éprouve l’émulation cérébrale, impressionné par la vivacité d’esprit de Nell, dont il s’éprend. Alors que Fen s’acharne inconsciemment à devenir un indigène, au risque de se perdre et d’y laisser son intégrité, Andrew et Nell vivent une passion intellectuelle toute platonique nourrie d’échanges enflammés, jusqu’au jour où leurs sentiments les submergent comme un fleuve trop longtemps contenu.

Voilà un roman d’aventures, d’amour et de mort, dans lequel Lily King a su doser les meilleurs ingrédients – dépaysement, passion envoûtante, réflexion sur l’altérité et ce qu’elle révèle de soi-même – pour suspendre un « moment d’euphorie à l’état pur ». Un régal !

 

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 Les internautes l'ont lu

« Euphoria » nous entraîne en Nouvelle-Guinée où, en 1933, les tribus indigènes peuplant ce territoire servent d’objet d’études aux anthropologues.

Si l’anthropologie n’en est alors qu’à ses débuts, la jeune Nell a déjà publié aux Etats-Unis, avec un certain succès, le récit de son séjour dans un village des Iles Salomon : « Les enfants de Kirakira ».

Elle a depuis épousé un jeune anthropologue, australien, Fen. Ils sont à la recherche d’un village susceptible de les accueillir afin de mener leurs études. C’est un anthropologue anglais de leur âge, Bankson, qui leur permettra de s’installer auprès des Tam, à quelques heures de canoë de son propre campement.

Si tous les trois sont réunis par la passion de leur métier, Bankson est fortement attiré par la jeune femme. Des tensions sont perceptibles entre l’Anglais et l’Australien.

Résumer « Euphoria » à une histoire d’amour « chez les Papous », serait bien réducteur.

En effet, ce roman, basé sur les travaux de l’anthropologue américaine Margaret Mead, permet de découvrir les débuts de cette science, les divergences dans la façon de voir les choses entre chercheurs américains et anglais (d’autant que l’isolement géographique met à nu la personnalité de chacun) , l’immersion dans ces villages reculés, les fonctionnements et croyances des différentes tribus. Tout cela est passionnant et donne un excellent moment de lecture.

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