Je ne retrouve personne
Arnaud Cathrine

Folio
Verticales
août 2013
224 p.  6,90 €
ebook avec DRM 12,99 €
ebook avec DRM 6,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Incertitudes

Aurélien, trentenaire parisien, retourne pour quelques jours dans la maison familiale, en Normandie. Cette villa face à la mer, cossue mais décatie, il y a vécu jusqu’à l’âge adulte, avec son frère Cyrille et ses parents qui tenaient la pharmacie du bourg. Aujourd’hui retraités, ils se sont installés à Nice et ont décidé de vendre la maison. Cyrille et Aurélien l’avaient quittée avec soulagement pour partir faire leurs études, ils y revenaient pour les vacances, en week-end, de moins en moins souvent. Cyrille est aujourd’hui documentariste, Aurélien est écrivain. C’est lui qu’on a chargé de se rendre en Normandie pour rencontrer l’agent immobilier

Ce qui n’aurait pu être qu’un aller-retour va s’éterniser. Aurélien s’accorde une trêve qui lui permet de fuir la promo de son dernier livre, qu’il juge mauvais, et finalement s’enterre en Normandie durant plusieurs semaines. Entre fantômes, réminiscences, anciens camarades de classe qui surgissent inopinément et une belle inconnue qui s’intéresse à lui, Aurélien réfléchit à sa vie, qui semble parfois s’être déroulée hors de sa volonté. Il s’interroge sur sa relation avec son frère, sur la façon dont les rôles entre eux ont été distribués très tôt, se souvient de son adolescence, de sa fascination pour l’un de ses copains d’alors dont il apprend la disparition. Il pense à Junon, sa compagne qui l’a quitté il y a quelques années parce qu’il ne voulait pas d’enfant. Junon justement le contacte et lui confie pour quelques jours la petite fille qu’elle a eue sans lui.

Bien sûr, la sensibilité d’Arnaud Cathrine est là. On retrouve dans ce roman son talent, cette faculté d’aller au plus profond des êtres, à petits pas, de dénouer les relations humaines, de parler d’amour avec modernité. Ce talent, on a pu le voir à l’œuvre dans ses précédents romans, notamment son admirable « Journal de Benjamin Lorca » (2010) ou « La disparition de richard Taylor » ((2007), ou même son tout premier texte, « Les yeux secs », qui en 1998 le classait d’emblée parmi les auteurs très prometteurs du nouveau siècle. Ici, les questions sont nombreuses et toutes sonnent justes : qu’est-ce qu’un frère ? Pourquoi s’attache-t-on à un enfant qui n’est pas le sien ? Pourquoi peut-on être marqué durablement par un camarade de classe ?  Y a-t-il un sens à chercher la femme de sa vie ? Mais aussi qu’est-ce qui, dans une structure familiale, déterminera le cœur de la vie d’un adulte, son métier et ses défaites ?

Bien sûr, on s’attache à ces personnages si réels, cet Aurélien qui est notre contemporain et qui a fait de l’incertitude un principe de vie. Bien sûr, on a lu ce livre jusqu’au bout sans se lasser.

Et pourtant.

Peut-être la situation –un homme en crise sur les traces de son passé- est-elle un peu convenue. Tout comme le décor : une maison de famille en Normandie, un narrateur écrivain parisien, tant de romans ces dernières années se sont déroulés dans de tels lieux, avec de tels personnages. Toujours est-il qu’on en sort perplexe. Ce nouveau roman n’est pas raté, loin de là, il est juste un peu décevant pour les fans de Cathrine.

D’ailleurs, à un moment donné, le narrateur se plaint par courriel à son éditeur : « Je n’ai pas envie de défendre ce livre. […] A présent je vois clair. Je t’en veux de ne pas m’avoir dit que ce livre méritait de rester au fond d’un tiroir ».

Quelques phrases qui résonnent étrangement lorsqu’on referme le nouveau Arnaud Cathrine.

 

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